Afrique

๐‹๐š ๐ซ๐ž๐๐จ๐ฎ๐ญ๐š๐›๐ฅ๐ž ๐ฉ๐ซ๐ข๐ฌ๐จ๐ง ๐๐ž ๐Œ๐š๐ง๐ญ๐จ๐ฎ๐ฆ : ๐”๐ง๐ž ๐ฉ๐š๐ ๐ž ๐ฌ๐จ๐ฆ๐›๐ซ๐ž ๐๐ž ๐ฅโ€™๐ก๐ข๐ฌ๐ญ๐จ๐ข๐ซ๐ž ๐๐ฎ ๐‚๐š๐ฆ๐ž๐ซ๐จ๐ฎ๐ง

Mantoum. ร€ une รฉpoque, la simple รฉvocation de ce nom suffisait ร  glacer le sang. Synonyme de souffrance, de rรฉpression et de terreur, Mantoum รฉvoque les heures les plus sombres de lโ€™histoire du Cameroun. Situรฉe ร  environ 70 kilomรจtres de Foumban, en passant par Malantouen, cette prison porte un nom paradoxal qui signifie ยซย terre de nourritureย ยป, alors mรชme quโ€™elle fut un lieu oรน les รขmes รฉtaient broyรฉes et les corps suppliciรฉs.

Crรฉรฉe en 1961, dans les premiรจres annรฉes de lโ€™indรฉpendance, la prison de Mantoum, alors appelรฉe ยซย Centre de rรฉรฉducation civiqueย ยป, avait pour mission de ยซ redresser ยป ceux que le rรฉgime dโ€™Ahidjo considรฉrait comme des dissidents.

En rรฉalitรฉ, elle รฉtait un vรฉritable camp de concentration oรน opposants politiques, activistes et mรชme simples suspects รฉtaient envoyรฉs pour รชtre brisรฉs. Parmi les figures marquantes ayant sรฉjournรฉ ร  Mantoum figurent Cรฉlestin Lingo, ancien prรฉsident de lโ€™Union des journalistes du Cameroun, Albert Mukong, cรฉlรจbre leader anglophone, Edmond Djoumessi II, ancien chef supรฉrieur de Forรฉkรฉ-Dschang ou encore Jean Mbouende, le premier maire รฉlu de Bafang.

Ils partageaient cet enfer avec des militants de lโ€™Union des populations du Cameroun (UPC), des partisans du Parti des dรฉmocrates camerounais (PDC) dโ€™Andrรฉ-Marie Mbida, ainsi que des Tรฉmoins de Jรฉhovah, persรฉcutรฉs pour leur refus de se plier aux symboles de la Rรฉpublique. Mantoum รฉtait un lieu de mort lente. Rares รฉtaient ceux qui en ressortaient vivants. Les plus chanceux en revenaient aveugles, mutilรฉs ou dรฉments. Pour les autres, cโ€™รฉtait un tombeau anonyme.

Dรจs lโ€™aube, les prisonniers รฉtaient arrachรฉs ร  leur sommeil pour des journรฉes interminables. ร€ 5 heures, toilette sommaire et priรจre. ร€ 6 heures, cโ€™รฉtait le dรฉbut des corvรฉes : construction de maisons pour les gardiens, collecte de matรฉriaux sur des kilomรจtres, ou travail dans les champs avoisinants. Ces tรขches, รฉreintantes sous le soleil implacable, nโ€™รฉtaient quโ€™un prรฉlude ร  la terreur quotidienne.

Le directeur du centre, un certain Tanibi, รฉtait lโ€™incarnation mรชme de la cruautรฉ. Dans son livre A Prisoner Without a Crime, Albert Mukong dรฉcrit avec prรฉcision cet homme qui inspirait une peur viscรฉrale. Chacun de ses pas rรฉsonnait comme un prรฉsage de souffrance, et sa silhouette ร  lโ€™entrรฉe de la prison suffisait ร  plonger les dรฉtenus dans une angoisse absolue.

Chaque fois que Tanibi apparaissait, une vague de panique se rรฉpandait. Les prisonniers sโ€™accroupissaient, annonรงant ร  voix basse : ยซ Le maรฎtre est arrivรฉ. ยป Celui qui osait lui tenir tรชte ou simplement rester debout en sa prรฉsence รฉtait immรฉdiatement jetรฉ dans une cellule disciplinaire, oรน lโ€™enfer se poursuivait. Tanibi avait un goรปt sadique pour la torture. Il appliquait des techniques inhumaines, allant jusquโ€™ร  sโ€™attaquer aux organes gรฉnitaux des prisonniers. Tanibi broyait psychologiquement ceux qui lui รฉtaient soumis. Il manipulait les esprits avec une froide prรฉcision, alternant entre des actes de fausse clรฉmence et des chรขtiments atroces, maintenant ainsi les prisonniers dans un รฉtat de confusion et de soumission totale.

Albert Mukong, victime de ses abus, souffrit dโ€™hรฉmorroรฏdes et dโ€™un mal de dents aggravรฉ par lโ€™interdiction formelle de recevoir des soins mรฉdicaux.

ร€ Mantoum, la douleur physique allait de pair avec une rรฉpression psychologique. Les prisonniers รฉtaient soumis ร  un vรฉritable lavage de cerveau, endoctrinรฉs ร  lโ€™idรฉologie du parti unique, et privรฉs de tout espoir. Nombre dโ€™entre eux succombaient sous la pression, tandis que dโ€™autres perdaient la raison. Mantoum nโ€™รฉtait pas quโ€™une prison : cโ€™รฉtait un abรฎme oรน lโ€™esprit humain รฉtait mรฉthodiquement anรฉanti.

En 1976, le centre de rรฉรฉducation civique de Mantoum fut intรฉgrรฉ ร  lโ€™administration pรฉnitentiaire et rebaptisรฉ ยซย prison de productionย ยป. Ce changement marqua la fin officielle de son rรดle comme outil de rรฉpression politique. En 1992, Mantoum devint une prison principale, rรฉservรฉe aux dรฉtenus de droit commun.

Mais son passรฉ sombre continue de hanter la mรฉmoire collective. Mantoum nโ€™est plus aujourdโ€™hui quโ€™une prison ordinaire, mais son histoire rappelle les souffrances infligรฉes aux opposants politiques dans cet enfer et dans un rรฉgime de fer.

Lโ€™oubli est la ruse du diable!

La terre est sale ! Si รจ ne mvit ! Ngo Bagde!

Arol KETCH โ€“ 05.12.2024

Rat des archives

Arol KETCH - Rat des archives

Recent Posts

๐‹๐ž ๐๐š๐ฅ๐š๐ข๐ฌ ๐๐ž ๐Œ๐š๐ง๐ญ๐จ๐ฎ๐ฆ

Jadis rรฉsidence secondaire des rois Bamoun, et plus particuliรจrement du roi Njoya, figure emblรฉmatique deโ€ฆ

5 heures ago

Hommage ร  Geni Solo : Lโ€™รฉclat dโ€™un gรฉnie au cล“ur des tรฉnรจbres

Hommage ร  Geni Solo : Lโ€™รฉclat dโ€™un gรฉnie au cล“ur des tรฉnรจbres Aujourdโ€™hui, nos pensรฉesโ€ฆ

2 semaines ago

La fessรฉe nationale souveraine

En septembre 1991, le directoire de lโ€™opposition camerounaise, en quรชte de changement, entame une tournรฉeโ€ฆ

3 semaines ago

Samuel Eboua

Il y a 24 ans la mort de Samuel Eboua Cโ€™est notre Histoire! Nรฉ leโ€ฆ

3 semaines ago

Le Stade Tata Raphaรซl

Le stade Tata Raphaรซl est un stade de Kinshasa en Rรฉpublique dรฉmocratique du Congo, situรฉโ€ฆ

3 semaines ago