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Hommage à Geni Solo : L’éclat d’un génie au cœur des ténèbres

Hommage à Geni Solo : L’éclat d’un génie au cœur des ténèbres

Aujourd’hui, nos pensées les plus émues se tournent vers Géni Solo, cet artiste pétri de talent et de résilience, qui pleure la perte de sa mère. Cette femme qui fut à ses côtés à chaque instant, qui porta avec lui le poids de la douleur et des épreuves, s’en est allée avant de pouvoir contempler l’heure de gloire tant espérée de son fils. Une gloire qui, ironie cruelle du destin, se dévoile enfin à travers son titre Beau Garçon, succès inattendu après des décennies d’attente et d’efforts silencieux.

Originaire de Bangoulap, dans le Ndé, Géni Solo est né dans une famille modeste, marquée très tôt par les drames. Cinquième enfant de sa mère, Géni Solo n’est pas né aveugle. Il a vu jusqu’à l’âge de deux ans. Il vécut ses deux premières années dans la lumière, avant qu’une terrible varicelle n’assombrisse son destin.

Ce matin-là, à deux ans à peine, des douleurs insoutenables aux yeux le plongent dans une spirale de souffrance. Sa mère, paniquée mais déterminée, l’emmène d’urgence à l’hôpital. Ce n’est pas qu’une varicelle : les médecins constatent des atteintes graves aux yeux de l’enfant. Pendant six longs mois d’hospitalisation, cette mère, courage incarné, reste jour et nuit à son chevet, partageant chaque larme et chaque espoir déçu.

Mais malgré les soins prodigués, la vue du petit décline inexorablement jusqu’à s’éteindre.

Ses parents, abattus mais refusant de céder au désespoir, sillonnent le Cameroun dans une quête éperdue de guérison : Ndoungué, Nkongsamba, Mbalmayo, et même l’hôpital des Chinois à Yaoundé. Partout, la même sentence : L’enfant n’arrive plus à ouvrir les yeux; il sera aveugle.

Résignés, ils finissent par accepter ce sort qu’ils attribuent à une volonté divine. La mère retourne avec son fils à Bangoulap, et leur lien devient indissociable. Devenu dépendant de sa mère pour chaque geste du quotidien, Géni Solo grandit à ses côtés, sous sa protection constante.

À sept ans, une lueur d’espoir apparaît : son père découvre un centre de réhabilitation pour non-voyants à Buea. En 1991, Géni Solo y est inscrit. Ce lieu marquera un tournant dans sa vie. En plus d’apprendre le braille, il s’initie à la musique, qui deviendra son langage et sa passion.

C’est grâce à Nkossa Henry, un autre aveugle doué pour la guitare, qu’il fait ses premiers pas en tant que musicien. Puis, il se perfectionne auprès de Nana Henry Joel; un autre non voyant. Dans ce centre, il n’y a pas d’école ou encore de professeur de musique; l’apprentissage de la musique repose sur une tradition : ceux qui reçoivent doivent transmettre à leur tour.

C’est le dénommé Nkossa Henry; aveugle mais excellent guitariste qui le premier avait décidé de transmettre son savoir à ses camarades. Géni Solo, reconnaissant envers son mentor, transmettra ce savoir à de nouveaux arrivants, parmi lesquels un certain Clovis Paulin Feugan Tokam, aujourd’hui connu sous le nom de Prince Aimé.

Après sept années passées au centre, Géni Solo retourne à Bangoulap. Habité par une passion dévorante pour la musique, il se fabrique une guitare en bois rudimentaire et passe ses journées et ses nuits à composer. Ayant constaté sa passion pour la guitare, un jour, son frère aîné lui offre une véritable guitare, et cet instrument devient son inséparable compagnon.

Mais la précarité l’oblige à arpenter son département à pied, en quête de cérémonies ou de deuils où il pourrait se produire pour gagner quelques sous. Avec un ami albinos, il sillonne villages et routes poussiéreuses, offrant son art pour survivre.

Le talent de Géni Solo éclate aux yeux du public lors des festivals Medumba et, plus tard, au concours Mützig Star, où il croise le chemin de Longué Longué. Il était alors connu sous le nom “Big Solo”. Son nom d’artiste “Géni Solo”; il le doit à Longué Longué.

En effet, après la parution de son titre à succès “Ayo Africa”; Longué Longué est une véritable vedette; il est sollicité pour être Jury du Concours Mützig Star. A l’occasion de ce concours, la caravane s’arrête à Bangangté et Geni Solo fait partie des candidats. Alors qu’il monte sur scène pour livrer sa prestation, le public est persuadé qu’il jouera la fameuse chanson “Viviane” qui a fait sa renommée dans le Ndé.

Contre toute attente, il opte plutôt pour un autre titre qui met en avant ses talents de guitariste et de compositeur. Cette chanson improvisée raconte l’histoire d’un aveugle qui grince la guitare et attend son heure de gloire.

Conquis par sa presation, Longué Longué prend publiquement la parole et s’adresse à Géni Solo : “ Tu es un génie. Tu ne t’appelles plus Big Solo; dorénavant tu t’appelleras « Génie Solo”. Le public en transe ovationne le désormais Génie Solo et le porte en triomphe.

Géni Solo rêve désormais de devenir un grand musicien comme Lapiro de Mbanga, Tchana Pierre ou encore Ben Decca. Mais, malgré ses efforts et ses appels à l’aide auprès des artistes et personnalités de son département, aucun soutien ne lui est accordé. Ses rêves semblent s’enliser dans l’oubli.

Ce n’est qu’il y a quelques semaines qu’il est enfin propulsé au devant de la scène grâce à Robinson Piffo. Une polémique autour de la paternité de la chanson Viviane, popularisée par Prince Aimé, met en lumière Géni Solo. Grâce à Robinson Piffo, qui décide de l’aider, il enregistre enfin son tout premier titre, Beau Garçon. Ce morceau résonne comme un écho à ses années d’attente et de persévérance.

Mais le destin, fidèle à sa cruauté, lui arrache sa mère à l’aube de ce succès. Celle qui a tout sacrifié pour lui ne sera pas là pour partager cette lumière tant espérée.

Aujourd’hui, Géni Solo se tient seul face à une vie marquée par les drames. Il a perdu son père, ses quatre aînés, et désormais sa mère. Il ne lui reste qu’une sœur cadette, dernier fragment d’une famille décimée. Pourtant, il continue d’avancer, soutenu par la musique, ce refuge qui l’a toujours protégé.

Bravo à Géni Solo pour son courage, pour avoir défié les ombres d’un destin implacable. Merci à Robinson Piffo d’avoir permis à ce génie de briller enfin. Comme le disait Longué Longué : « On ne cache jamais la lumière du soleil. » Malgré tout, la lumière de Géni Solo éclaire désormais un chemin jonché de douleurs, mais aussi d’espoir et d’humanité.

L’oubli est la ruse du diable !

La terre est sale ! Si è ne mvit ! Ngo Badge !

Arol kETCH – 28.11.2024

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