Afrique

L’assassinat d’OUTEL BONO

Le dimanche 26 août 1973 au matin , l’opposant tchadien Outel BONO est froidement assassiné à Paris Quartier Bastille. 

Ce jour-là, alors qu’il venait de rejoindre sa voiture, il est surpris par un individu armé qui surgit et l’abat froidement de deux balles. Une balle dans la joue et une autre dans la nuque. 

Une fois son forfait commis, l’assassin regagne sa voiture et démarre en trombe. 

Sa mort survient alors qu’il préparait le lancement de son parti politique MDRT : Mouvement Démocratique de Rénovation Tchadienne.

“ Le jour où le Dr Outel Bono s’engagera à lutter contre mon régime dans une organisation déclarée, je n’hésiterai pas à le faire fusiller”avait déclaré le Président François Tombalbaye

Outel Bono est né en 1934 au Tchad. En 1946, il s’envole pour la France afin d’ y poursuivre ses études. Il s’inscrit à en médecine à l’université de Toulouse en 1953. 

Il milite au sein de la FEANF comme la plupart des futures leaders africains qui mènent la lutte pour l’indépendance de leur pays.  En 1958, il adhère au Parti Africain de l’Indépendance ( PAI). Il profite de ses vacances universitaires pour aller au Tchad mener des sensibilisations pour l’indépendance. Ce qui gêne l’administration coloniale.

De 1959 à 1961, il effectue son internat de médecine en Tunisie ce qui lui permet de nouer des liens avec les nationalistes algériens.  En 1962, il rentre au Tchad au terme de ses études.  Il est sollicité par le Président Tombalbaye qui souhaite faire de lui un pilier du parti populaire Tchadien (PPT) parti unique.

 Outel est élu au bureau national mais il comprend très vite qu’il a été manipulé pour servir la dictature de Tombalbaye. Alors qu’il essaie de réformer le système de l’intérieur, le 24 mars 1963; il est arrêté pour complot et condamné à mort. Une campagne internationale portée par le Parti communiste français fait commuer sa peine de mort en détention à perpétuité. 

En août 1965, il est libéré. Mais en mai 1969, il est de nouveau arrêté et condamné à 5 ans de prison pour diffamation, propos incitant à la sédition et atteinte à la sûreté de l’Etat.  Il est libéré en août de la même année et reprend ses fonctions de directeur de la Santé publique.  

Alors que la rébellion du Front de libération national du Tchad ( Frolinat) essaie de s’imposer comme une voie alternative au régime de Tombalbaye, Bono prend ses distances à la fois avec le régime et la rébellion. Il a en tête de proposer une 3ème voie.

 En 1972, profitant de ses vacances, il s’installe en France et suit des cours de recyclage à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière. Il rencontre son compatriote Georges Diguimbaye qui dirige la banque du développement du Tchad avec qui il élabore le projet du Mouvement démocratique de rénovation tchadienne (MDRT). 

Outel Bono fait revenir en France sa femme Nadine ( de nationalité française) et leurs 3 enfants. Son ami Diguimbaye lui présente un certain Henri Bayonne; un ancien des forces françaises libres et des services secrets de la France libre. Ce dernier accompagne Bono dans la rédaction du manifeste du MRDT. Bono devient  l’adversaire politique le plus redouté du régime de N’Djamena.

L’engagement frénétique de Bayonne aux côtés de Bono fait dire qu’il aurait été mandaté par les services secrets français et Jacques Foccart pour surveiller Bono ou alors le neutraliser tout simplement. 

Le dimanche 26 août 1973 au matin, Outel BONO est froidement assassiné de deux balles de revolver en montant dans sa voiture.  Sa femme, arrivée par avion est isolée durant 8 jours par les époux Bayonne qui l’empêche de communiquer avec l’extérieur. Un Tchadien, au service des Bayonne, qui souhaite parler, meurt d’une mystérieuse diarrhée. 

Alain Bernard, le juge chargé du dossier retient la thèse d’un crime passionnel.

En  janvier 1975, Tombalbaye accuse publiquement Mahamat Ousmane, Georges Diguimbaye et Henri Bayonne d’être les assassins d’Outel Bono.  Quelques mois plus tard,  le 13 avril, François Tombalbaye est renversé et assassiné lors d’un coup d’État.

Thierry Desjardins, journaliste au Figaro révèle qu’avant son exécution sur ordre de Hissène Habré, le commandant Pierre Galopin numéro 2 des services spéciaux tchadiens avait confessé la responsabilité de ces services commandés par le capitaine Camille Gourvennec dans l’assassinat d’Outel Bono. 

Le pouvoir Tchadien aurait donc confié l’assassinat de Bono au sulfureux chef des services spéciaux Camille Gourvennec. C’est l’opération “ Homo” et l’exécuteurs désigné est un certain Claude Bocquel alias Léon Hardy. 

Malgré les efforts de Nadine Bono et de l’avocat de son mari Me Pierre Kaldor, l’enquête sur la mort de Outel Bono se conclut par un non-lieu prononcé le 20 avril 1982.

Nadine Bono va jusqu’en cassation, mais son pourvoi est rejeté. Elle est condamnée à payer les frais de justice au prétexte “qu’elle n’a pas pu prouver qu’il s’agissait d’un assassinat”

L’affaire a été éteinte par les services secrets français et la justice française n’a jamais exprimé une volonté manifeste d’élucider cette affaire. Pour preuve les principaux acteurs n’ont jamais été auditionné et entendu  : Henri Bayonne, Gourvennec etc.

Bocquel est interrogé par la police. Les enquêteurs découvrent chez lui un revolver de calibre 9mm, une correspondance avec Camille Gourvennec et la preuve qu’il a été propriétaire d’une Citroën 2 CV. Jacky, une barmaid qui travaille dans son bar à Avignon (le Splendid Bar), témoigne que son patron était dans les derniers jours du mois d’août 1973 correspondant à l’assassinat de Bono.  Mais le juge traîne, refuse confrontations et vérifications. Les empreintes relevées dans la voiture d’Outel Bono n’ont même pas été comparées à celles du principal suspect.

Malgré tous ces éléments Bocquel  et Gourvennec ne seront jamais inquiétés.  En 1978, Gourvennec  trouve la mort dans des circonstances troubles.  Le 10 décembre 1983, l’affaire est définitivement enterrée, la Cour de cassation juge le pourvoi irrecevable.

Pour en savoir plus : 

  • L’enquête menée par Kalidou Sy et Laurent Correau pour France 24 et RFI.
  • Meutre en Françafrique : l’assassinat d’Outel  Bono  par Jean-Pierre BAT

Arol KETCH – 29.02.2024

Arol KETCH - Rat des archives

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