Banaba Cameroun ! Bazalaki Sorcier !
Il fut un temps où les clubs camerounais dominaient la scène footballistique africaine.
En 1978, Canon Yaoundé remporte Coupe des clubs champions africains (Ligue des champions de la CAF); en 1979 c’est au tour de l’Union Douala de remporter la compétition. En 1980, pour la troisième année consécutive, un club camerounais est encore en finale : Canon de Yaoundé affronte l’AS Bilima du Zaïre.
La finale se joue en phases aller et retour. Le match aller se tient le 30 novembre 1980 au stade omnisports de Garoua. Contre toute attente, le Canon de Yaoundé est tenu en échec en terre camerounaise. Score final 2 :2. La défense camerounaise a été fébrile. Le tonitruant zaïrois Mayélé Ayel a éclaboussé la rencontre de son talent. Les deux buts du canon de Yaoundé portent l’estampille de René Emana. La rencontre fut belle et le Président de la République Ahidjo était présent dans les tribunes.
Le match retour se tient le 14 décembre 1980 au stade du 20 mai à Kinshasa devant près de 100 mille spectateurs. On ne vend pas cher la peau des joueurs du canon Kpa Kum. Galvanisé par leur match nul de l’aller, les zaïrois de l’AS Bilima sont convaincus qu’ils n’en feront qu’une bouchée mais c’est mal connaître la détermination des joueurs du Canon.
Pour cette rencontre le canon affiche un effectif de rêve. L’intrépide Thomas Nkono garde les buts. La muraille défensive est composée de Jean Paul Akono, Ibrahim Aoudou, Mbom Ephrem et Ollé Ollé.
A l’animation du milieu de terrain, on retrouve entre autres : le rassurant Jean Daniel Eboué, le virevoltant Grégoire Mbida dit Arantes et l’élégant Théophile Abéga dit docteur. Le coach Oscar Eyoum qui sait que son équipe doit marquer pour gagner a misé sur une attaque à 3. René Emana le double buteur du match aller est à droite, Nguea Jacques à gauche et Manga Onguéné dit tête d’or occupe la pointe de l’attaque.
15h45 l’arbitre Egyptien Fahmi donne le coup d’envoi. La partie est âprement discutée. Tel un général d’armée, Théophile Abega, depuis le milieu du terrain, orchestre le jeu et coordonne les troupes. Avec son sens du dribble et sa lecture du jeu, il essaie tant bien que mal de peser sur le milieu de terrain.Il bénéficie du renfort de Mbida Arantes et sa finesse technique. Tandisque Jean Daniel Eboué enchaîne des courses endiablés et Nguea Jacques des accélérations folles.
Malheureusement, les joueurs du Kpa Kum butent sur des zaïrois déterminés et confiants. Le virevoltant Mayélé met en mal la défense du Canon mais heureusement, Thomas Nkono maintient ses cages inviolées. Sur l’aile gauche, Mobati Ndaloko éprouve constamment la défense camerounaise. Dès les premières minutes, Il réussit à déborder Ollé Ollé et arme une frappe puissante à 15m qui est captée par Nkono. Mayele servi par Mangala Yafu a failli lober Nkono.
Les deux équipes se rendent coup pour coup. René Emana répond aux attaques des zaïrois en mettant en déroute leur défense avec ses dribbles chaloupés, malheureusement les camerounais bloquent sur le bloc défensif Zaïrois bien compact.
Beya Na Beya marque Jean Manga Onguéné à la culotte et ne le laisse pas faire étalage de son sens du but. C’est sur le score étriqué de 0 but partout que les deux équipes se séparent en première mi-temps. De retour des vestiaires, les joueurs du Canon semblent avoir pris de l’ascendant sur les zaïrois. Face au bloc défensif Zaïrois qui met en déroute les redoutables dribbleurs camerounais; les joueurs du canon décident de miser à présent sur des longues balles.
A la 53ème minute, Emana depuis l’aile droite effectue une passe rapide vers Abéga qui reussit à trouver Manga Onguené placé à 20 m des buts de Siampasi. Le redoutable attaquant assène une reprise qui foudroie le gardien zaïrois avant de récidiver 3 minutes plus tard après avoir éliminé Mandiangu d’une feinte de l’épaule. Il inscrit ainsi un doublé.
Ce deuxième but jette un froid total dans les gradins. C’est un véritable coup de tonnerre. Même dans leurs pires cauchemars, les zaïrois qui avaient cadenassé la première mi-temps n’avaient pas prévu un tel scénario d’autant qu’ils étaient persuadés avoir fait le plus dur en arrachant le match nul au Cameroun.
Les Zaïrois n’ont même pas encore eu le temps de digérer ce qui est en train de leur arriver que les virevoltants Arantes et Emana martyrisent avec des dribbles magiques leurs adversaires. Les Zaïrois sont de plus en plus nerveux. A la 71e minute Mafuta bouscule Eboué et le piétine sur la cuisse droite; le sang gicle et Eboué sort sur brancard.
A la 78e mn Edjongo exécute un corner; Manga place la tête mais Siampasi sort la balle. Abega qui est l’affût place un coup de tête plus violent qui envoie le ballon cajoler les filets du portier zaïrois. Pour le public zaïrois médusé, ce qui est en train de se produire sous leurs yeux relève tout simplement de la sorcellerie. Ils s’exclament alors “ Banaba Cameroun, Bazalaki sorciers” ( ils sont sorciers ces camerounais). Score final : 3 buts à 0.
Le Canon remporte sa 3ème coupe d’Afrique des clubs champions. Le capitaine Théophile Abega reçoit le trophée des mains du doyen du comité central du MPR. La réputation de sorcier des camerounais se répand ainsi comme une traînée de poudre : “ Banaba Cameroun, Bazalaki sorciers”. A leur retour au Cameroun, le Canon de Yaoundé a été reçu par le Président Ahmadou Ahidjo au palais présidentiel de Yaoundé. Les héros de l’expédition zaïroise ont été décorés personnellement par le chef d’Etat. Des mois après cette rencontre épique, le Congolais Sam Mangwana effectue une tournée au Cameroun qui va lui inspirer le titre “ Bana ba Cameroun”
Arol KETCH – 21.02.2024
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