Les bébés volés en Argentine durant la dictature
Dans plusieurs pays africains, il est récurrent que les administrations des hôpitaux en complicité avec le personnel soignant s’organisent pour voler les nouveaux – nés des jeunes mamans afin de confier ceux-ci à des personnes puissantes et riches qui n’ont pas eu la grâce de pouvoir enfanter et ont très souvent besoin d’un bébé pour sauver leur ménage.
Certaines parmi elles simulent même des grossesses pendant des mois et organisent le rapt des nouveau-nés qu’elles vont faire passer pour le fruit de leurs entrailles.
Au Cameroun, en 2011; la jeune Vanessa Tchatchou alors âgée de 17 ans s’est vu enlever son bébé à la naissance. Lequel enfant a été confié à une magistrate proche du directeur de l’hôpital dans lequel elle s’était rendue pour accoucher. Dans leur entreprise funeste, ces voleurs d’enfants ont bénéficié de soutiens jusqu’au sommet de l’Etat puisque que le ministre de la communication de l’époque ISSA TCHIROMA a fait des sorties devant la presse pour protéger les voleurs du bébé de Vanessa.
12 ans plus tard, Vanessa TCHATCHOU continue de se battre contre vents et marées afin de retrouver la chair de sa chair qui a été volée par la magistrate : Caroline Mendja Atte épouse Atanga. Nous encourageons Vanessa dans son combat car il finira par payer comme celui des Grands-Mères de la Place de Mai en Argentine.
Aujourd’hui, je vais vous raconter l’une des exactions les plus terribles de la dictature militaire en Argentine : plus de 500 bébés volés, arrachés à leurs familles.
Le 24 mars 1976, un coup d’État de droite renverse la présidente Isabel Perón et place à la tête de l’Argentine le lieutenant-général Jorge Rafael Videla.
Dans un contexte de guerre froide, on note une recrudescence de putschs militaires en Amérique latine favorisés par les Etats-Unis et le bloc de l’Ouest qui craignent de voir le communisme s’installer en Amérique du Sud.
Pour éviter le péril communiste et la contagion, ils soutiennent des putschs qui conduisent à la mise en place de violentes dictatures militaires très souvent anti-communistes.
En Argentine, le général Jorge Rafael Videla est porté à la tête du pays. Il instaure une violente dictature. Les opposants politiques sont assassinés ou forcés à prendre le chemin de l’exil. La purge vise aussi les journalistes, syndicalistes, les prêtres, les militants des droits de l’homme ou même des adolescents innocents distribuant des tracts.
Entre 1976 et 1983, la junte militaire au pouvoir enlève, torture puis assassine plus de 30 000 militants.
On parle alors de “sale guerre”. Les consignes sont claires; faire disparaître les corps des victimes de la répression afin d’éviter des poursuites judiciaires; c’est ainsi que que des “ vols de la mort” sont régulièrement organisés. Des prisonniers politiques sont parqués dans des avions pour être jetés en plein vol dans la mer.
On dénombre en cette période-là de nombreuses disparitions. Des disparus qu’on ne reverra plus jamais; ils ont été exécutés et leurs dépouilles larguées dans la mer.
C’est donc dans ce contexte que l’Argentine accueille la coupe du monde de 1978.
Parmi les victimes de la répression dictatoriale, des femmes enceintes et des jeunes mamans à qui on enlève les bébés pour les confier à des familles proches du régime.
En effet, les femmes enceintes sont maintenues en vie jusqu’à l’accouchement dans des maternités aménagées avant de les tuer. Les nouveaux nés sont remis aux familles des militaires et aux proches du régime. L’objectif de ces enlèvements est d’empêcher la subversion de se diffuser chez les familles de subversifs. Même l’église catholoique soutient la dictature et le vol des bébés.
C’est ainsi que près de 500 enfants en bas âge ont été arrachés de force à leurs parents. Les parents de ces enfants ont été, pour la majorité, purement exécutés. Mais malgré celà, depuis plus de 40 ans, les grands-mères des enfants volés se battent pour retrouver leurs petits enfants. Un combat éprouvant qui est devenu la raison d’être d’un groupe de femmes déterminées qu’on a surnommé “ les Grands-Mères de la Place de Mai”. Elles s’unissent pour obtenir la vérité et la justice.
Elles vont mettre tout en œuvre pour retrouver leurs petits-enfants volés : Manifestations, publications des avis de recherches dans les journaux, lettres personnelles ou collectives etc .
Dès Avril 1977, elles se réunissent chaque semaine les jeudis après-midi en face du siège du gouvernement argentin, la Casa Rosada. Elles vont littéralement réquisitionner la place de Mai à Buenos Aires ce qui leur vaudra le surnom de “Grands-Mères de la Place de Mai”.
Leur objectif est d’attirer l’attention du chef de la junte militaire, Rafael Videla sur le sort de leurs enfants et petits-enfants. Elles veulent obtenir une entrevue avec lui.
Leur combat fut âpre et difficile car elles étaient persécutées par les militaires ; soutiens de la dictature qui ne manquaient pas les occasions de les brutaliser ou de se moquer d’elles. Les militaires vont même les surnommées las locas, « les folles » de la place de Mai car persuadés que leurs revendications étaient vaines.
Malgré toutes ces persécutions, les Grands-Mères de la Place de Mai ne désarment pas, elles redoublent d’ardeur, un foulard blanc noué sur la tête, symbole du lange des bébés disparus; elles multiplient les manifestations. Elles vont profiter de la médiatisation de la coupe du monde organisée en Argentine en 1978 pour faire connaître leur combat à travers le monde. Au fil du temps, elles reçoivent des soutiens de l’étranger et sont invitées pour faire connaître leurs combats à travers le monde.
En 1983 avec l’écroulement de la dictature, les Grands-Mères de la Place de Mai sont soutenus par le nouveau régime dans leurs recherches et leurs revendications.
En 1987, une banque de données génétiques se constitue pour associer les profils de toutes les familles de disparus et fournir des preuves ADN de filiation, avec une certitude de filiation estimée à 99,99%.
En fin avril 2019, le nombre d’enfants identifiés et retrouvés par leur famille biologique s’élevait à 130. Les tests ADN de grand parentalité se multiplient.
380 familles sont encore à la recherche de leurs enfants disparus. Aujourd’hui encore, les “Grands-Mères de la Place de Mai” encore vivantes continuent le combat.
Arol KETCH – 11.04.2023
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