Amérique

Coupe du monde de 1978 en Argentine: Le football pour abrutir le peuple et servir la dictature

La coupe de monde de 1978 en Argentine demeure l’une des éditions les plus controversées de l’Histoire. Le football s’est carrément mis au service de la dictature et a foulé au pied les valeurs morales et les droits de l’homme.

En effet, cette édition de la coupe du monde fut organisée dans une dictature cruelle, la compétition a été utilisée par la dictature militaire pour redorer son image et abrutir le peuple. De plus, la sélection argentine a carrément été favorisée et a même truqué pour remporter la compétition.

Le 24 mars 1976, un coup d’État de droite renverse le président Isabel Perón et place à la tête de l’Argentine le lieutenant-général Jorge Rafael Videla.

Dans un contexte de guerre froide, on note une recrudescence de putschs militaires en Amérique latine favorisés par les Etats-Unis et le bloc de l’Ouest qui craignent de voir le communisme s’installer en Amérique du Sud.

Pour éviter le péril communiste et la contagion, ils soutiennent des putschs qui conduisent à la mise en place de violentes dictatures militaires très souvent anti-communistes. En Argentine, le général Jorge Rafael Videla est porté à la tête du pays. Il instaure une violente dictature.

Les opposants politiques sont assassinés ou forcés à prendre le chemin de l’exil. La purge vise aussi les journalistes, syndicalistes, les prêtres, les militants des droits de l’homme ou même des adolescents innocents distribuant des tracts. On parle alors de “sale guerre”. Les consignes sont claires; faire disparaître les corps des victimes de la répression afin d’éviter des poursuites judiciaires; c’est ainsi que que des “ vols de la mort” sont régulièrement organisés. Des prisonniers politiques sont parqués dans des avions pour être jetés en plein vol dans la mer.

On dénombre en cette période-là de nombreuses disparitions. Des disparus qu’on ne reverra plus jamais; ils ont été exécutés et leurs dépouilles larguées dans la mer.

C’est donc dans ce contexte que l’Argentine se prépare à accueillir la coupe du monde de 1978. De nombreuses manifestations et menaces de boycott sont organisés dans le monde entier. Il n’est pas question que la plus belle fête du football soit organisée dans une dictature qui bafoue avec autant de cruauté, les droits de l’homme. En France, des intellectuels comme Jean-Paul Sartre, Simone Signoret ou Claude Manceron s’expriment pour empêcher les joueurs français de se rendre en Argentine.

L’entraîneur de l’équipe nationale de football de France Michel Hidalgo est carrément kidnappé à la veille du rassemblement du groupe France pour le Mondial. Sa voiture est arrêtée par des opposants à la dictature argentine qui tentent de l’enlever pour empêcher la France de jouer la Coupe du Monde. Michel Hidalgo arrive à attraper le canon de l’arme des kidnappeurs et déjoue le le kidnapping.

Malgré la cruauté de la dictature argentine, les menaces de boycott, la FIFA décide de maintenir la coupe du monde en Argentine. Une aubaine pour le dictateur Videla qui souhaite utiliser cette vitrine pour éloigner le peuple de ses préoccupations quotidiennes,faire oublier la violente répression, asseoir la reconnaissance internationale de son pouvoir et redorer son image. Pour parvenir à ses fins, il souhaite impérativement remporter la compétition et est prêt à tout pour y arriver.

L’Argentine bâtit une équipe attrayante et solide autour de Kempes, Bertoni, Gallego ou Passarella. Le sélectionneur argentin s’offre même le luxe de se priver du jeune Diego Maradona.

©/DPA/MAXPPP ; Argentinian player Mario Kempes (left) scores the 2-1 lead against the Netherlands in the 1978 World Cup final which took place at River Plate Stadium in Buenos Aires, Argentina, on 25 June 1978. The other players pictured are Rene Houseman (centre, front, no 9) and Daniel Bertoni (right, no 4), Dutch players Wim Suurbier (3rd from right) and Jan Poortvliet (covered) are on the ground. The Argentinian national team wins the World Cup final against the Netherlands by a final score of 3-1 in e

La FIFA se range du côté de la dictature et décide de favoriser l’Argentine afin qu’elle puisse aller le plus loin possible dans la compétition. Toutes les rencontres d’un même groupe se jouent à la même heure sauf pour l’Argentine qui joue ses matches à 19 h 15. L’Argentine connaît donc les résultats de ses concurrents avant de jouer ses matchs.

D’entrée de jeu, l’Argentine bat respectivement : la Hongrie (2-1) et la France (2-1). Elle chute devant l’Italie(1-0) mais occupe néanmoins la deuxième place de son groupe ce qui est synonyme de qualification pour le second tour.

Au deuxième tour, l’Argentine partage la poule avec la Pologne, le Pérou et le Brésil.

Le Brésil et l’Argentine sont les favoris de ce groupe.

L’Argentine débute avec une victoire face à la Pologne (2-0), puis un match nul contre le rival brésilien (0-0). Pour le dernier match décisif pour la qualification, la FIFA décide une fois de plus de favoriser l’Argentine. En effet, le match Argentine – Pérou est programmé 3 heures après le match Brésil-Pologne. Ce qui permet à l’Argentine d’avoir le score de son concurrent direct pour la qualification et de se préparer en conséquence. Le Brésil s’impose 3-1 contre les Polonais. Les Argentins savent à présent qu’ils doivent battre le Pérou par quatre buts d’écart pour se garantir une place en finale.

Contre toute attente, la solide équipe péruvienne est pulvérisée 6 – 0. En réalité, le match a été arrangé. Ramon Quiroga, le gardien péruvien d’origine argentine, considéré comme l’un des meilleurs au monde, rate complètement son match. Il a perçu de l’argent pour encaisser des buts. Si le contrat n’était pas respecté, des menaces lourdes planaient sur la tête de quelques membres de sa famille installés en Argentine. La négociation de ce match se fera au plus haut sommet des États entre les présidents Jorge Rafael Videla et Fransisco Morales Bermudez.

En effet, le pérou va échanger sa défaite contre la sous traitance de l’assassinat de quelques prisonniers politiques péruviens. Ainsi donc, l’Argentine récupère illégalement quatorze prisonniers afin qu’ils soient tués hors des frontières péruviennes. Ils seront exécutés dans un vol de la mort par l’armée argentine; jetés à la mer en plein vol pour qu’on ne puisse pas les retrouver.

L’Argentine se retrouve donc en finale face aux Pays-Bas pour le plus grand bonheur du dictateur et de son peuple abruti par le football. L’Argentine bat les Pays-Bas 3 buts à 1 après la prolongation (triplé de Mario Kempes) et remporte sa première Coupe du Monde. Les footballeurs hollandais refusent de recevoir leurs médailles des mains du dictateur Jorge Rafael Videla.

Argentina’s forward Leopoldo Luque (L) dribbles the ball past Peruvian defender Rodolfo Manzo who tumbles to the ground during the 1978 World Cup group game, Argentina against Peru at Central Stadium in Rosario, Argentina on 21 June 1978. Argentina won the game by a score of 6-0 and advance to the final which they had subsequently won as well.

Ce 25 juin 1978, au stade Monumental de Buenos Aires, pendant que la foule argentine en délire acclame son équipe nationale de football, des opposants du régime de Jorge Videla sont assassinés dans le plus grand secret. En effet, à seulement 1 km du stade, se trouvaient les sous-sol de l’Ecole Supérieure de la Mécanique Marine servent de salles de torture et d’éxécution. Le peuple en liesse oubliait alors pour un temps l’oppression féroce de la dictature, les opposants embastillés et assassinés, la récession économique. pari réussi pour le dictateur Jorge Rafael Videla. Le football est décidément l’opium du peuple.

Cependant après les liesses populaires et les effusions de joie, le peuple argentin va se retrouver face aux réalités cruelles de la dictature et va déchanter.

En 1981, le dictateur Jorge Rafael Videla est contraint de céder la présidence de la junte au général Roberto Eduardo Viola. Avec le retour de la démocratie en 1983, Videla est placé en résidence surveillée, puis condamné à la prison à perpétuité lors du procès de la junte de 1985.

Amnistié en 1989 par le président Carlos Menem, son dossier fut rouvert en 2007 et se conclut le 23 décembre 2010 par une condamnation à la prison à vie.

Comme disait Abraham Lincoln : “On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps.”

Arol KETCH – 26.11.2022

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