Les Lykov : Une famille qui a vécu 40 ans totalement coupée du monde
En 1978, une équipe à la recherche de minerai de fer qui survole en hélicoptère des zones inexplorées de la taïga sibérienne aperçoit au loin une clairière qui semble habitée. Intriguant, puisque la cabane qui s’y trouve est à 300 kilomètres du premier lieu habité.
Les géologues décident alors d’entreprendre un voyage de reconnaissance à pied pour percer le mystère de la clairière habitée. Ils tombent nez à nez avec un vieil homme barbu, pieds nus, cheveux ébouriffés et portant des vêtements en lambeaux. Il s’agit de Karp Osipovitch Lykov, le père de famille. Ils découvrent alors avec stupéfaction l’existence d’une grande famille dans cet endroit coupé du monde.
La famille Lykov se composait alors du père Karp Osipovitch Lykov, de la mère Akoulina Karpovna Lykova et de leurs quatre enfants : Savin Karpovitch Lykov, Natalia Karpovna Lykova, Dmitri Karpovitch Lykov et Agafia Karpovna Lykova.
Karp Osipovitch Lykov, son épouse et leurs deux premiers enfants ( Savin, Natalia) s’étaient réfugiés dans cette forêt en 1936. Deux autres enfants naîtront plus tard ( Dmitri et Agafia ). Ces deux derniers n’avaient encore jamais vu d’autres humains que leur famille auparavant. C’est donc avec choc et stupéfaction qu’ils découvrent cette équipe de géologues. Les enfants effrayés, fondent en larmes.
Mais qui sont les Lykov ? Que font-ils isolés dans ce coin paumé du monde ?
Les Lykov font partie d’une communauté des vieux-croyants russes, une secte orthodoxe fondamentaliste qui refuse la modernité pour préserver sa culture. S’estimant persécutés par le régime tsariste et plus tard par les Bolcheviks pour leurs convictions religieuses, ils décident avec leur coreligionnaires de se réfugier en Sibérie. C’est le début de leur vie d’ermite. Ils y resteront sans contact avec d’autres humains jusqu’en 1978.
Dans leur exil, ils emportent avec eux quelques bouilloires comme ustensiles et une Machine à roue servant à filer. Une fois ces bouilloires abîmées et rouillées, ils fabriquent des plats à base d’écorce de bouleau pour la cuisson des aliments. Ils se nourrissent essentiellement de pommes de terre avec du seigle et des graines de chanvre. En période de disette, ils mangent l’écorce des arbres et le cuir de leurs chaussures.
Ce n’est qu’à la fin des années 1950 que leur fils Dmitri devenu adulte se charge de chasser des animaux à mains nues pour nourrir la famille. Leur mère Akoulina Karpovna Lykova meurt en 1961. En effet, à l’hiver 1961 particulièrement rude, elle s’est laissé mourir de faim pour que ses enfants survivent.
Totalement isolés de la civilisation, sans aucune nouvelle du monde extérieur, ils n’avaient jamais entendu parler de la Seconde Guerre mondiale, ne connaissaient pas qui étaient Lénine ou encore Marx. Ils découvrent avec stupéfaction l’existence des satellites. Au contact des êtres humains, ils découvrent le sel ; élément nutritif qu’ils ne connaissaient plus.
Malheureusement au contact des humains, ils ne vivront pas très longtemps. Trois des quatres enfants décèdent en 1981. Deux d’entre eux des suites d’une insuffisance rénale due à des années de malnutrition. Dmitri, celui qui chassait pour la famille est emporté par une pneumonie qui s’est probablement développée au contact des humains. Le chef de famille, Karp Osipovitch Lykov quant à lui, meurt en 1988.
Agafia Karpovna quant à elle est encore vivante aujourd’hui. Âgée de 77 ans, elle vit seule dans une maison un peu plus moderne mais toujours dans la taïga sibérienne. Elle a plusieurs chats et chèvres. Depuis quelques années, elle reçoit des visites très réglementées; on lui apporte de quoi manger, se vêtir et se soigner.
En 2010, elle a offert un cadeau à base d’écorce de bouleau fait à la main au président russe Dmitri Medvedev. En 2021, une nouvelle maison lui a été construite.
Arol KETCH – 23.05.2022
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