Le rapt de Patty Hearst : Quand l’otage passe du côté de ses ravisseurs
.Je vais vous raconter une affaire hallucinante qui avait tenu en haleine toute l’Amérique et le monde entier en 1974. C’est la manifestation même du syndrome de Stockholm ; la victime du rapt va passer en quelques semaines du côté de ses ravisseurs au point d’épouser leurs idées et participer à leurs méfaits, devenir elle aussi une criminelle et prendre les armes.Le 4 février 1974 au soir, Patricia Hearst âgée de 19 ans, prend sa douche dans l’appartement qu’elle occupe sur le campus de l’Université de Berkeley avec son fiancé, le jeune professeur Steve Weed.
Celui-ci prépare du café dans la cuisine tout en écoutant du Mozart. Soudain, on frappe à la porte. Une femme blanche apparaît, balbutiante : « Ma voiture est en panne ». Lorsque Steve Weed ouvre la porte, deux jeunes noirs armés de fusils à canon apparaissent derrière la jeune femme. Steve est roué de coups et ligoté. Patty qui apparaît à demi-nue dans l’escalier est aussitôt attrapé par les deux quidams qui l’entrainent dans leur voiture, l’enferment dans le coffre et démarrent en trombe sous le regard ébahi des voisins qui appellent la police. C’est un kidnapping avec demande de rançon. En réalité, la jeune Patricia Hearst qui vient d’être kidnappée est l’héritière de William Randolf Hearst, milliardaire et magnat de la presse. Patricia est détenue dans une maison du quartier noir de San Francisco. Elle est l’otage d’un mouvement révolutionnaire qui se fait appeler « Armée Symbionaise de Libération », un mouvement fondé par Donald Defreeze, un jeune noir de 28 ans et père de 6 enfants. Il se présente à Patricia comme étant le maréchal Cinque. Du nom de « Cinque » ; le noir qui prit la tête d’une révolte d’esclaves sur un navire, au large de Cuba en 1839.Les ravisseurs font parvenir leur toute première revendication 3 jours après le rapt, un communiqué de 7 pages dans lequel l’Armée Symbionaise de libération (ALS) se présente comme un groupe anticapitaliste, antiraciste, antimilitariste et anti-prison. Le symbole de l’ALS est un cobra à 7 têtes ; la symbiose de 7 principes qui vont de l’autogestion à la foi, en passant la créativité. Ce communiqué a été déposé dans la boite aux lettres d’une radio du campus de Berkeley. Une bande magnétique accompagne de ce communiqué.
Dans cet enregistrement, Patricia annonce à ses parents qu’elle a été kidnappée et demandent à ses parents de faire tout ce que ses ravisseurs exigent. Ceux-ci exigent au père de Patricia, Randolf Hearst qu’il offre près de 6 millions de dollars aux pauvres de la Californie à hauteur de 70 dollars par personne. Celui-ci, leur répondra qu’il ne peut pas réunir une somme pareille en 48 heures. Toutefois, Le 25 février 1974, la famille Hearst envoie des vivres par camions dans le quartier pauvre de Hunter’s Point à San Francisco, se pliant aux exigences de la pour faire libérer leur fille.Une deuxième bande magnétique parvient aux parents de Patricia. Et surprise générale, Patricia annonce à ses parents qu’elle luttera désormais aux côtés de ses ravisseurs. Elle annonce alors que Patricia est morte et qu’elle portera désormais le nom de guerre de Tania. Elle traite ses parents « d’égoïstes, qui ne se soucient pas des opprimés » et son fiancé de « cochon ». Elle renie sa famille ; qu’elle traite de menteurs. L’Amérique entier n’y croit pas ; on parle de lavage de cerveau. Des messes sont organisées à travers les Etats-Unis pour la libération de Patricia.Le 14 avril 1974, Patricia participe au braquage de la Banque Hibernia de San Francisco aux côtés de ses ravisseurs mitraillette à la main. Le cliché de sa photo mitraillette à la main fera la une de tous les journaux. Patricia est désormais recherchée par toutes les polices des Etats-Unis. Avec ce mot sous sa photo : « Wanted ».Le 16 mai 1974 au volant d’une camionnette, Patricia accompagne dans un magasin de sports deux membres de l’Armée Symbionaise ; William et Emily. Ces derniers sortent de la camionnette pour aller faire des courses tandis que Patricia reste au volant du véhicule. A la suite d’un mauvais larcin, la situation se complique et Emily est en passe de se faire appréhender par le patron du magasin dans lequel elle a volé une paire de chaussettes pour rigoler.
Patricia intervient pour aider ses nouveaux amis. Une rafale de mitraillette balaye alors la devanture du magasin. Patricia tire et couvre la fuite de ses complices. C’est désormais clair. Patricia a bel et bien rejoint les rangs de l’Armée Symbionaise. Si elle avait voulu s’enfuir, elle aurait pu à ce moment-là, et sans difficulté. Elle était seule au volant de la camionnette. Après les échanges de tirs, la camionnette est aussitôt pourchassée par la police. On assiste à une course-poursuite digne d’un film Hollywoodien. La police qui avait perdu les traces de la camionnette reçoit plusieurs coups de téléphone provenant du ghetto noir de San Francisco. Les habitants noirs du quartier au bout du fil disent être intrigués par la présence de femmes blanches se baladant avec des mitraillettes. Emily et Patricia sont blanches. La police débarque sur les lieux avec plus de 400 hommes et cerne la maison autour de laquelle ont été repérées ces femmes. Il s’en suit de violents échanges de tirs. La télévision qui est arrivée, retransmet l’assaut en direct. L’assaut va durer 5 heures. La maison dans laquelle se réfugient les insurgés est en flamme. Le toit de la maison s’effondre. Les pompiers arrivent pour maitriser les flammes. Lorsque la police et les pompiers réussissent enfin à pénétrer dans cette maison, ils vont découvrir un véritable carnage ; des cadavres jonchent le sol : Trois corps devant l’entrée, trois autres cadavres sous le plancher. Deux de ces morts ont péri asphyxiés. Parmi ces cadavres, celui du chef de l’armée Symbionaise : Donald Defreeze alias Le « maréchal Cinque » ; il s’est suicidé d’une balle dans la tête. Cette fusillade fut l’une des plus violentes de l’histoire de la police américaine, avec quelque 9000 coups de feu échangés. Mais où est Patricia Hearst ? La police est certaine qu’elle se trouvait là, parmi les assiégés. Mais en réalité, frappée par un sixième sens, elle avait quitté le refuge avec quelques membres de l’ALS. Finalement, après dix-neuf mois de cavale, le F.B.I. retrouve ses traces. Sa cachette est repérée au n° 635 de Horse Street à Los Angeles. Elle est cueillie par des agents du F.B.I. Inutile de préciser qu’elle a résisté et a cherché à s’évanouir dans la nature. Conduite dans les locaux du F.B.I., elle remplit sa fiche d’incarcération comme suit : Nom : Tania. Profession : guérilla urbaine. Elle accueille la presse en brandissant le poing.
Pour lui éviter le pire, ses parents ont engagé un ténor du barreau : Lee Bailey, l’avocat le plus célèbre des Etats-Unis et le plus cher. Ses honoraires ont dépassé le million de dollars. Patty Hearst n’arrivera pas à faire accepter aux jurés qu’elle n’était pas elle-même. Au cours de son procès, elle dit avoir agi sous la contrainte et avoir été violée à plusieurs reprises. Condamnée à sept ans de prison, sa peine a été commuée à 2 ans par le président Carter pour la faire libérer en février 1979, avant que le président Clinton ne la gracie et la réhabilite définitivement en 2001, la veille de son départ de la Maison-Blanche. Après sa peine de prison, Patricia Hearst se marie le premier avril 1979 avec Bernard Shaw, policier qui lui servait de garde du corps pendant son procès. Ils auront deux enfants. Le cas Patty Hearst n’a jamais cessé de faire débat et a toujours divisé les experts. Un rapt qui cache encore bien des inconnues et des interrogations. Patty Hearst a-t-elle été victime du syndrome de Stockholm ?
Arol KETCH – 14.07.2021
Fourmi Magnan égarée