Du temps des premiers colonisateurs, la Côte des Dents ou de l’Ivoire était subdivisée en deux parties : « la Côte de bonnes Gens » et « la Côte de males Gens ». La Côte des bonnes Gens doit son nom à l’hospitalité de ses habitants, qui ont accepté l’installation des comptoirs coloniaux sans opposer trop de résistance. A l’inverse, les habitants de la « Côte des males gens » se sont farouchement opposés à la pénétration coloniale.
La Côte d’Ivoire est communément appelée la « terre d’Éburnie ». Cette appellation a été popularisée par le fantasque Kragbé Gnagbé Opadjilé, qui souleva le pays bété – au centre-ouest de la Côte d’Ivoire – en 1970 et proclama la « République d’Éburnie ».
En effet, le 26 octobre 1970, Gnagbé Kragbé Opadjilé, un étudiant bété, crée un nouveau parti, le Parti national africain (PANA), dans son canton du Guébié, situé à l’ouest de la Côte d’Ivoire. Avec quelques centaines de paysans, il occupe la capitale régionale Gagnoa et proclame une « République d’Éburnie ». Pour servir de cadre et de base à l’action politique et militaire du gouvernement provisoire, est promulguée une loi dite « loi organique de l’État d’Éburnie » ou « loi organique d’octobre ». Cette tentative de sécession est sévèrement réprimée et Gnagbé Kragbé abattu avec ses fidèles dans les affrontements qui s’ensuivent.
Le mot « éburnie » est une corruption du radical latin eburneus « d’ivoire », dérivé d’ebur « ivoire », eboreus « qui est d’ivoire ». Ce radical latin a donné naissance aux mots français « éburnéen », « éburnin » et « éburné », dont la signification est : « qui ressemble à de l’ivoire ». On comprend donc aisément le choix du nom « terre d’Éburnie ».
Le néologisme « éburnie » ne figure pas (encore) dans les dictionnaires français. Certains partisans de l’attribution d’un nouveau nom à la Côte d’Ivoire proposent toutefois « Éburnie » comme substitution. Pour eux, le terme « ivoire » et son dérivé « ivoirité » contiennent de nombreuses vicissitudes : le premier porte en lui le lourd héritage de l’époque coloniale, tandis que le second est souillé de connotations haineuses ravivant le souvenir douloureux de certaines dérives idéologiques et politiques qui ont ébranlé le pays.
De nombreux universitaires et intellectuels africains ont proposé de changer le nom de la Côte d’Ivoire. Lors d’une conférence organisée en 2010 au Conseil économique et social de Côte d’Ivoire sur le terme « Respect de la diversité culturelle, facteur d’intégration et de paix », le professeur de sociologie Dédy Séry a affirmé que le nom actuel du pays « est une référence zoologique que nous devons enrayer » avant de poursuivre : « puisque le nom reflète la personnalité de celui qui le porte, le nom de notre pays doit coïncider avec les préoccupations des populations ».
L’historien sénégalais Fadel Dia, dans un article intitulé « Et si la Côte d’Ivoire changeait de nom ? » , propose de suivre l’exemple du révolutionnaire Sankara en choisissant un nouveau nom afin de se défaire de l’héritage colonial et des dérives idéologiques.
Qui plus est, phonétiquement l’adjectif « ivoirien » se rapproche de l’expression « il ne voit rien ». Pour les pourfendeurs du nom « Côte d’Ivoire », l’adjectif dérivé évoque dans la conscience collective celui qui ne voit rien. « Le problème c’est l’appellation des habitants de la Côte d’Ivoire », explique le pasteur Assi L. Israël, vice-président de l’ONG Nouvelle Identité : « Les Ivoiriens, qui veut dire « ceux qui ne voient pas »… Donc le nom ivoirien détruit mon peuple et le rend aveugle. »
Alors, selon vous pour rompre avec l’héritage colonial, certains africains doivent -ils changer leur nom pour opter pour un nom un peu plus glorieux ?
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Arol KETCH
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