C’est l’histoire de footballeurs algériens évoluant en France qui ont décidé de quitter la France avec femmes et enfants pour aller défendre à leur manière l’Algérie qui luttait pour son indépendance. Ils deviendront des maquisards mieux, des moudjahidine du football. Ils seront surnommés les Harlem Globetrotters du Football.
Nous sommes en 1956, l’Algérie est encore sous domination française. Le Front de Libération Nationale (FLN) mène une lutte déterminée pour l’indépendance de l’Algérie. Les indépendantistes utilisent tous les moyens en leur possession pour atteindre leur but. Le FLN a une idée de génie: utiliser le football pour faire connaître à travers le monde la cause algérienne et sa guerre d’indépendance.
En 1956, l’équipe de l’armée de libération nationale (ALN) est formée à Tunis en Tunisie. Elle est composée essentiellement des joueurs amateurs évoluant en Algérie et en Tunisie. Entre mai 1957 et avril 1958, elle dispute de nombreux matchs au Maghreb ou encore au Proche-Orient pour soutenir la cause indépendantiste; on lui attribue 42 victoires.
Cependant, la cause algérienne n’est toujours pas suffisamment connue dans le monde. Le FLN décide de marquer le coup. Il s’agit à présent de bâtir une équipe nationale algérienne de football constituée de professionnels, afin de promouvoir l’indépendance de l’Algérie dans le monde entier.
La mission de sélectionner les joueurs est confiée à Mohamed Boumezrag qui bénéficie de l’aide de Mokhtar Arribi. En effet, plusieurs algériens évoluent dans le championnat français de football; certains parmi eux soutiennent financièrement la guerre de libération de l’Algérie et versent régulièrement au FLN la « taxe révolutionnaire » qui peut aller jusqu’à 15 % du salaire perçu.
Mohamed Boumezrag approche discrètement les footballeurs professionnels algériens de France et leur parle de ce projet patriote et nécessaire pour porter la cause algérienne dans le monde entier. Plusieurs footballeurs sont séduits par le projet. Parmi eux plusieurs grandes vedettes du championnat français de première division. Deux d’entre eux sont même sélectionnés pour disputer avec la France la coupe du monde qui doit se tenir quelques semaines plus tard en Suède.
Ils décident de tout quitter pour combattre à leur manière sous le drapeau algérien embarquant avec eux femmes et enfants. Le 8 avril 1958, Mohamed Boumezrag annonce aux joueurs leur départ vers Tunis, où siège le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et où ils seront présentés au public. Il est désormais question pour les footballeurs sélectionnés de quitter discrètement la France pour rejoindre Tunis.
Les 13 et 14 avril 1958, douze footballeurs algériens désertent leurs clubs en France. Pour faire diversion et ne pas éveiller des soupçons auprès des gardes frontières français, ils se répartissent en plusieurs groupes. Le point de rencontre avant le voyage final est la ville de Rome en Italie. Un groupe de joueurs prend le train, l’autre groupe traverse la Suisse en voiture. Les services secrets français réussissent à empêcher deux footballeurs de traverser les frontières françaises en voiture ( Hassen Chabri et Mohamed Maouche).
C’est un vol d’Air France qui transporte les fugueurs de Rome à Tunis. Nos footballeurs patriotes arrivent à Tunis et sont accueillis par Ferhat Abbas et le président tunisien Habib Bourguiba. Ils sont aussitôt présentés à la presse et l’effet est retentissant en France. Cela fait l’effet d’une bombe. L’alerte sur la fugue est lancée dans les principaux médias français. Véritable raz de marrées médiatique.
L’impact médiatique est parfaitement réussi. Les principaux journaux français s’intéressent à cette fugue massive. L’Équipe titre « Neuf footballeurs algériens portés disparus ».France Football fait un long sujet sur l’évènement. Paris Match réalise un sujet de 6 pages sur cette fugue.
Furieux, les clubs concernés annoncent rupture des contrats des fugueurs. Toutefois, plusieurs footballeurs français sont en admiration devant l’acte de patriotisme posé par ces footballeurs qui ont décidé de tout abandonner pour défendre leur patrie d’origine. Des grands noms comme Raymond Kopa, Just Fontaine et Roger Piantoni vont témoigner de la sympathie pour ces footballeurs. Les fugueurs vont constituer l’ossature principale de l’équipe nationale du Front de Libération Nationale qui va sillonner le monde afin de porter la cause de l’Algérie.
Pendant plus de quatre ans, ces footballeurs habitués aux rencontres de haut niveau vont parcourir le monde et faire parler d’un conflit dont la France tente à tout prix de cacher l’importance. L’équipe du FLN est soutenue financièrement par les militants pour l’indépendance de l’Algérie. Les joueurs n’ont pas de très gros salaires. Ils jouent par patriotisme.
La France saisit la FIFA et réussit à obtenir la non-reconnaissance de cette sélection. Même l’adhésion de l’équipe du FLN à la CAF n’aboutit pas du fait d’une intervention de la Fédération Française de Football. Les pays qui soutiennent cette sélection sont sanctionnés par la FIFA. Malgré cela, l’équipe du FLN réalise une longue tournée mondiale d’environ quatre-vingts rencontres, notamment en Europe, en Asie et en Afrique.
Ces matchs font connaître à travers le monde la cause algérienne et sa guerre d’indépendance. Au cours de leur tournée, ils affrontent l’équipe du Vietnam qu’ils battent 7 buts à 0. A l’occasion d’un dîner organisé en leur honneur, le leader vietnamien Hồ Chí Minh leur fait cette prédiction : “ puisque vous nous avez battus et que nous avons humilié la France lors de la bataille de Diên Biên Phu, n’ayez crainte vous allez battre la France et obtenir votre indépendance ».
A la suite du référendum d’autodétermination du 1er juillet 1962, l’Algérie proclame son indépendance le 5 juillet 1962.Le nationaliste Ferhat Abbas va affirmer que cette action des footballeurs algériens a fait gagner à l’Algérie 10 ans dans le lutte pour l’indépendance. Ahmed Ben Bella, le tout premier Président de l’Algérie indépendante se rendra personnellement à Tunis pour les remercier et les féliciter. L’équipe cesse d’exister en 1962 à l’indépendance de l’Algérie, laissant la place à l’équipe d’Algérie de football.
Sur la trentaine de professionnels algériens évoluant en France ayant fugué, une partie rejoint leurs clubs professionnels en France à l’indépendance. D’autres vont rester en Algérie pour œuvrer au développement du football local.
Arol KETCH – 28.12.2021
Rat des archives
En septembre 1991, le directoire de l’opposition camerounaise, en quête de changement, entame une tournée…
Le stade Tata Raphaël est un stade de Kinshasa en République démocratique du Congo, situé…
Mansa Moussa, roi de l'empire du Mali de 1312 à 1337, est considéré comme l’homme…
C’est une actualité qui a fait les choux gras de la presse au milieu des…
Leur arme ? Les doigts. Leur méthode ? La chatouille.. Cela peut faire doucement sourire;…