06.12.1961 – 06.12.2021 : Il y a 60 ans, la mort de Frantz Fanon
« Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir » Frantz Fanon
Né à Fort-de-France en Martinique le 20 juillet 1925 et mort aux Etats-Unis le 6 décembre 1961 à l’âge de 36 ans, Frantz Fanon est un psychiatre et militant anticolonialiste qui a consacré sa vie à défendre les opprimés. Son existence fut brève mais son héritage immense.
Voici bien un personnage marquant de l’histoire contemporaine de l’Afrique qui aurait mérité sans contestation possible le surnom de « révolté ». Hostile au Régime de Vichy, Fanon est âgé de seulement 18 ans, lorsqu’il rejoint les Forces Françaises libres de la Caraïbe. Il s’engage dans l’armée régulière et quitte son île pour aller se battre en France métropolitaine pour un idéal. C’est alors qu’il est confronté au racisme de ceux-là même pour qui et auprès de qui il lutte. Profondément blessé par ce racisme ambiant, il écrit à sa famille :
« Je doute de tout, même de moi. Si je ne retournais pas, si vous apprenez un jour ma mort face à l’ennemi, consolez-vous, mais ne dites jamais : il est mort pour la belle cause. Dites : Dieu l’a rappelé à lui; car cette fausse idéologie, bouclier des laïciens et des politiciens imbéciles, ne doit plus nous illuminer. Je me suis trompé ! Rien ici ne justifie cette subite décision de me faire le défenseur des intérêts du fermier quand lui-même s’en fout ». 
Cette expérimentation du racisme marqua la naissance d’un éternel révolté. Démobilisé, Fanon retourne aux Antilles, puis après la guerre, il se rend en France pour poursuivre des études de médecine dans la ville de Lyon où il est de nouveau confronté au racisme. En 1952, il écrit Peau noire, masques blancs pour dénoncer le racisme. « Maman, regarde le Nè..gre , j’ai peur ! » lâche un enfant dans la rue en pointant du doigt le jeune étudiant Fanon.
« Peur ! Peur ! Voilà qu’on se mettait à me craindre […]. J’étais tout à la fois responsable de mon corps, responsable de ma race, de mes ancêtres. Je promenai sur moi un regard objectif, découvris ma noirceur, mes caractères ethniques – et me défoncèrent le tympan, l’anthropophagie, l’arriération mentale, le fétichisme, les tares raciales, les négriers, et surtout : ‘’Y a bon Banania’’ », écrit-il dans Peau noire, masques blancs.
En 1953, Fanon à qui on a proposé un poste intéressant en Algérie, devient médecin-chef d’une division de l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville. Il découvre l’aliénation et le primitivisme du milieu psychiatrique algérien. Révolté, il se bat pour désaliéner et décoloniser ce milieu et entreprend notamment un travail d’exploration des mythes et rites de la culture algérienne.
A l’éclatement de la guerre d’Algérie, Fanon s’engage auprès de la résistance nationaliste et se lie d’amitié avec les leaders du Front de Libération Nationale (FLN). En 1956, il démissionne de son poste de médecin-chef et est expulsé d’Algérie en 1957. Fanon rejoint le FLN à Tunis où il collabore pour le quotidien du parti El Moudjahid. Il obtient la nationalité algérienne et publie en 1959, L’An V de la révolution algérienne. En 1960, il devient ambassadeur du gouvernement provisoire de la République algérienne à Accra au Ghana.
Atteint de leucémie, Fanon se retire aux Etats-Unis où il entreprend la rédaction de son dernier ouvrage, Les Damnés de la terre. Ouvrage préfacé par Jean Paul Sartre. Dans cet ouvrage, Fanon dénonce la colonisation et appelle à l’émancipation du tiers monde.Peu étudiée en France et même en Afrique, l’œuvre de Fanon a exercé une influence sur des générations d’africains et de noirs américains.
Fanon meurt le 6 décembre 1961 quelques mois avant l’indépendance de l’Algérie. Malgré la fulgurance de sa vie, il a été tout au long de son existence un éternel révolté pour la liberté des peuples et leur droit à l’indépendance. Comme disait Ché Guevara: « Peu importe où nous surprendra la mort. Qu’elle soit la bienvenue, pourvu que notre appel soit entendu, qu’une autre main se tende pour empoigner nos armes et que d’autres hommes se lèvent » L’oubli est la ruse du diable !
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