Je vais vous raconter une histoire cachée.
Victor Biaka Boda est un oublié de l’Histoire de la Côte d’Ivoire, très peu d’africains connaissent ce nom. Et pourtant, il fut un grand militant et une figure de proue de la résistance à l’oppression coloniale.
Victor Biaka Boda, est né le 25 février 1913 dans le village de Dahiépa, dans la région de Gagnoa en Côte d’Ivoire. Il est très tôt orphelin de père et de mère ; il est élevé par ses grands-parents.
Elève brillant, en 1936, il sort de l’Ecole de Médecine de Dakar nanti du diplôme de Médecin africain. Il est affecté à N’Zérékoré en Guinée. C’est au cours de son séjour en Guinée qu’il fait la rencontre du leader africain Ahmed Sékou Touré, alors président de la section du RDA (Rassemblement Démocratique Africain) en Guinée. Il adhère au RDA. Le RDA est à cette époque le plus grand mouvement panafricain d’Afrique de l’ouest qui lutte pour l’émancipation de l’Afrique. Victor Biaka Boda fustige la colonisation. Avec sa fougue oratoire, il sème le trouble dans la colonie guinéenne ; l’administration coloniale va commencer à surveiller de très près ce « révolutionnaire ».
En 1947, il quitte définitivement la Guinée pour la Côte d’ivoire, la terre de ses ancêtres. Son combat va prendre une autre dimension. En 1948, il est élu sénateur dans le cadre de l’union française. Il s’envole en France pour défendre la cause des siens. A 35 ans, c’est un révolutionnaire actif, excellent orateur, organisateur et meneur d’hommes, il prend une part active à la lutte de libération de la Côte d’Ivoire que mène le RDA contre les autorités françaises.
L’administration coloniale décide de mener une lutte sans merci aux leaders du RDA anticolonialistes. Ces leaders sont arrêtés, intimidés, emprisonnés. Les populations acquises à la cause du RDA sont massacrées. La répression de Bouaflé du 21 janvier 1950 fait des morts parmi les manifestants et deux cents militants du RDA sont arrêtés parmi lesquels on comptera onze morts à la prison.
Victor Biaka Boda devient de plus en plus virulent et fustige durement la colonisation. Il sillonne de nombreuses villes de la colonie ivoirienne pour prôner l’insurrection. Il va prononcer un violent discours dans la ville de Daloa pour exprimer sa détermination à délivrer la Côte d’ivoire du Joug colonial. C’est ce discours qui va signer son arrêt de mort.
Dans la nuit du 27 au 28 janvier 1950, le révolutionnaire Victor Biaka Boda, quittant Yamoussoukro pour se rendre à Gagnoa, disparaît mystérieusement à Bouaflé de la maison où il avait trouvé l’hospitalité après que sa voiture fût tombée en panne à l’entrée de la ville. Son corps est découvert 4 jours plus tard dans une clairière à Bouaflé, suspendu à une branche d’arbre à 1,40 m du sol, la tête tranchée.
Pour ternir sa réputation, les journalistes français parlent alors de crime rituel ; l’administration coloniale fait circuler la rumeur selon laquelle il aurait été mangé par ses concitoyens anthropophages. En lui prêtant une mort ridicule, les autorités françaises voulaient salir sa mémoire et faire disparaitre le souvenir de ce jeune nationaliste aux discours enflammés.
Mais que s’est-il passé réellement ?
En effet, il est tombé dans un guet-apens. Cette nuit-là, il a été enlevé par des supplétifs de l’armée française qui l’ont torturé à la baïonnette jusqu’à ce mort s’ensuive ; sa tête a par la suite été tranchée à proximité de Bouaflé. Il avait 37 ans. Le gouverneur de la colonie de Côte d’ivoire se méfiait de ce brillant orateur, ce révolutionnaire qui faisait ombrage à Félix Houphouët-Boigny qui était plutôt proche des autorités françaises. Biaka Boda assassiné, Houphouët-Boigny peut désormais devenir Président de la Côte d’Ivoire en 1960.
L’administration coloniale va refuser de communiquer sur la disparition du sénateur, refusant même de remettre sa dépouille mortelle à sa famille. Le parlementaire disparu ne sera officiellement déclaré mort que le 20 mars 1953, soit trois ans après son assassinat. Aucune sépulture digne de son rang ne lui sera offerte et aucun hommage national ne lui sera rendu. Le seul souvenir qu’on garde de lui c’est le stade Victor Biaka Boda de Gagnoa qui a été nommé ainsi en son hommage.
Comme un peu partout en Afrique, la France a liquidé les véritables nationalistes pour remettre les indépendances des pays aux marionnettes qui ne la réclamaient même pas.
Arol KETCH- 19.11.2021
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