La deuxième révolution Burkinabè

Le Burkina Faso a connu deux révolutions à ce jour. La première révolution est celle qui coïncide à l’arrivée de Thomas Sankara à la tête du pays (du 4 août 1983 au 15 octobre 1987). La deuxième révolution correspond à la chute de Blaise Compaoré.

Dans la perspective de l’élection présidentielle de 2015, Blaise Compaoré au pouvoir depuis 1987 veut changer la constitution qui limitait le nombre de mandats présidentiels à deux quinquennats. Alors que l’amendement va être en débat à l’Assemblée nationale, les Burkinabè décident de sortir dans les rues afin de s’opposer à ce projet de dévolution monarchique. A l’appel de l’opposition et des organisations de la société civile, près d’un million de manifestants défilent dans les rues de la capitale Ouagadougou le 28 octobre 2014 ; s’en suivront une série de manifestations violemment réprimées par les forces de l’ordre. Les syndicats appellent à une grève générale le 29 octobre 2014, alors que l’amendement doit être débattu à l’Assemblée nationale le lendemain.

Le 30 octobre, joue prévue pour le débat de l’amendement à l’assemblée nationale, des milliers de burkinabè descendent dans les rues et convergent vers les lieux symboliques de pouvoir. La police qui essaie de les disperser est aussitôt décontenancée par le nombre des manifestants. Les manifestants pillent et incendient plusieurs édifices gouvernementaux ; le siège du parti du président Blaise Compaoré est attaqué et mis à sac ainsi que les domiciles de plusieurs dignitaires du régime. Des milliers de manifestants décident de prendre d’assaut l’Assemblée nationale alors que les députés venaient d’y entrer pour siéger. Face à l’afflux de manifestants déterminés, les députés sont sauvés et exfiltrés in extremis. Les manifestants vont saccager l’assemblée nationale, incendier une partie du bâtiment et les véhicules situés à l’extérieur. Une partie des manifestants se dirige vers le palais présidentiel de Kosyam pour en découdre avec Blaise Compaoré. Le palais a été placé sous haute protection. Des manifestants attaquent le domicile de François Compaoré (Frère du Président).

La garde présidentielle qui garde le domicile de celui-ci ouvre le feu et tue 3 manifestants. Les manifestants prennent d’assaut la télévision nationale en direct. Certains soldats et hauts gradés dont l’ancien chef d’Etat major et ministre de la Défense, le général Kouamé se rangent du côté des manifestants. Ça y est ! Blaise Compaoré est en train de tomber. Le général Honoré Traoré, chef d’Etat major de l’armée annonce la dissolution de l’Assemblée nationale et la formation d’un gouvernement de transition. Mais, Blaise Compaoré dans un dernier sursaut, fait un discours annulant l’état de siège annoncé par le chef d’Etat major et se dit ouvert à des pourparlers pour une transition. Trop tard ! Les Burkinabè n’ont désormais qu’un seul mot au bout des lèvres : « Démission ! Blaise Dégage ! ».

Le 31 octobre 2014, le président Blaise Compaoré démissionne et décide de fuir. Escorté par des militaires fidèles et des membres de sa garde présidentielle, il quitte le palais présidentiel et se diriger vers le Sud avec un convoi d’une trentaine de véhicules. Lorsque la population va apercevoir le convoi présidentiel à quelques kilomètres du Nord de la ville de Pô, celle-ci va entrer dans une fureur noire et va faire barrage. La foule essentiellement constituée de jeunes voulait tout simplement en découdre avec le dictateur. Malgré la pression armée des militaires qui accompagnent le convoi, la foule lance l’assaut. Blaise Compaoré appelle aussitôt la France au secours. La France envoie immédiatement un hélicoptère des forces spéciales françaises basées à Ouagadougou pour exfiltrer Blaise et ses proches. Un avion français va les transporter en Côte d’Ivoire, où Blaise est accueilli par Alassane Ouattara, Président de la Côte d’Ivoire. Blaise va longuement remercier la France de lui avoir sauvé la vie. Au terme de cette révolution, on décomptera une vingtaine de morts et plus de 600 blessés : Voilà le prix de la liberté ! « Tuez Sankara ! Des milliers de Sankara naîtront » avait prédit Sankara.

Les milliers de Sankara nés au moment de la mort de Sankara ont grandi et ont mis fin au régime dictatorial de Compaoré. Un gouvernement de transition a été mis en place à travers le conseil national de transition (CNT). De nombreuses mesures ont été prises dans l’optique de déstructurer l’ancien régime de Blaise Compaoré et de poser les fondements d’une société nouvelle. Parmi ces mesures, on peut noter le nouveau code électoral qui interdit aux partisans de l’ancien président Blaise Compaoré de se présenter aux élections présidentielles d’octobre 2015. Par ailleurs, la dissolution du régiment de sécurité présidentielle (RSP garde prétorienne du président déchu) créé par Blaise Compaoré est aussi envisagée.

Pour protester contre ces mesures excluant les dignitaires de l’ancien régime, le 16 septembre 2015, des militaires du régiment de sécurité présidentielle (RSP) fomentent un coup d’état lors d’un conseil de ministres et prennent en otages : Michel Kafando le président de la transition, Isaac Zida le premier ministre, Augustion Loada le ministre de la fonction publique, René Bagoro le ministre de l’urbanisme. Les putschistes instaurent un conseil national de la démocratie (CND) avec à sa tête le général Gilbert Diendéré ancien chef d’état-major particulier de l’ancien président Blaise Compaoré. Le peuple Burkinabè va massivement descendre dans les rues pour s’opposer à ce putsch. Suite aux manifestations populaires encadrées par les mouvements de la société civile tel que le balai citoyen, ce coup d’État se solde en échec et les autorités de transition sont réinstallées à leurs fonctions le 23 septembre 2015. Le général putschiste déclare regretter son acte et dit être prêt à en assumer les conséquences devant la justice. Bien qu’il existe quelques coups d’Etat salvateurs, la majorité des putschs sont cependant des coups d’état bêtes et idiots. De l’avis même du peuple Burkinabè, le putsch de Gilbert Diendéré est certainement « le coup d’état le plus bête du monde ». Quoique bête, ce coup d’Etat a néanmoins, eu quelques vertus inattendues.

Comme la dissolution du régiment de sécurité présidentiel et la mise hors d’état de nuire du général Diendéré, ce à quoi la transition n’était pas parvenue. Le peuple burkinabè a ainsi donné une leçon magistrale à toute l’Afrique de par son engagement et sa détermination, comme pour marteler que chaque peuple est le seul responsable de son destin. L’éphémère épisode Diendéré doit être rangé dans le champ de la contre-révolution. Toute révolution toujours trouve en face d’elle des adversaires de plus en plus nombreux au fur et à mesure de son évolution. Aux défenseurs intransigeants de l’ancien Régime s’agrègent progressivement les modérés et les réformateurs déçus par la tournure que prend la révolution.

Comme dit l’Humat Al-Hima : « Lorsqu’un jour, le peuple aspire à vivre, Le destin se doit de répondre ! Les ténèbres se dissiperont ! Et les chaînes se briseront !» La patrie ou la mort, les Burkinabè ont vaincu. Gilbert Diendéré et Blaise Compaoré sont fortement soupçonnés d’être les assassins de Thomas Sankara. Figure emblématique du courage, du panafricanisme, de la lutte contre le néocolonialisme, de l’anti-impérialiste, de l’indépendance économique et politique de l’Afrique, de l’émancipation de la femme, Thomas Sankara est aujourd’hui devenu un modèle pour une bonne partie de la jeunesse africaine. Le coup d’Etat qui le plaça à la tête de l’Etat, le 4 août 1983 aura été un coup d’Etat salvateur.

« Que celui qui veut tuer son adversaire, se demande si ce n’est pas la meilleure façon de l’éterniser en lui-même » Friedrich Nietzsche Souhaitez-vous découvrir l’Histoire des putschs salvateurs en Afrique ? Alors lisez mon livre : « LES COUPS D’ETAT SALVATEURS EN AFRIQUE » Le livre est disponible en ligne, il est entre vos mains ! Cliquez sur les liens ci-dessous et servez-vous https://urlz.fr/aRtH https://amzn.to/33Zpgfe Contact : leseditionsdumuntu@gmail.com

Arol KETCH – 06.10.2021

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