La mort des Ceausescu
Rien à priori ne le prédestinait à diriger un pays. C’est l’histoire d’un petit paysan, devenu cordonnier qui va se retrouver à la tête d’un pays.
Nicolae Ceausescu est un dictateur qui va diriger son pays d’une main de fer de 1965 à son exécution en 1989. Avec épouse Elena, ils vont constituer un couple diabolique et infernal ; on les surnomme d’ailleurs « L’odieux » et la « Terrible ».
Et pourtant, Nicolae Ceausescu a incarné l’espoir à son arrivée au pouvoir en 1965. Il est perçu comme étant un Messie et est adulé par son peuple. Nationaliste et indépendant, il tient tête à Moscou et l’Occident lui fait les yeux doux. Les superlatifs populaires ne manquent pas pour le désigner : « le grand architecte », « le fils le plus aimé du peuple », « le génie des Carpates », « le Danube de la pensée », « le firmament de l’humanité, « l’Homme magnifique », « le conductator », « le doux baiser de la terre » etc. Le culte de la personnalité atteint des sommets en Roumanie ; les médias nationaux rivalisent de superlatifs pour leur maître absolu.
Mais très vite, Ceausescu va sombrer dans l’ivresse du pouvoir et devenir un dictateur sanguinaire. Il veut faire de la Roumanie un modèle marxiste-léniniste. La situation économique va commencer à détériorer. Ceausescu est de plus en plus honni par son peuple et des qualificatifs peu reluisants vont remplacer les superlatifs glorieux de ses débuts. Il est à présent surnommé : « Le Dracula des Carpates », « le tyran roumain », « le despote », « le Savonarole nazi ». Il est soutenu dans sa folie dictatoriale par son épouse Elena, qui se dit grande scientifique et pourtant elle accumule des faux diplômes. Les Ceausescu font régner la terreur avec l’aide de l’armée et de la police politique.
A la faveur de l’accession au pouvoir à Moscou de Mikhaïl Gorbatchev, le vent de l’EST va souffler et ébranler de nombreuses dictatures. Gorbatchev lui-même va demander à Ceausescu de quitter le pouvoir ce que celui-ci va très mal prendre. Lors d’une réunion du Pacte de Varsovie, Ceausescu tance violemment Gorbatchev et lui inflige une leçon de stalinisme. Il vient par là de signer son arrêt de mort sans le savoir. Moscou donne alors son feu vert à la chute du régime.
Il suffira d’une étincelle pour mettre le feu aux poudres. Le 16 décembre 1989, un pasteur protestant est menacé de déplacement administratif à Timisoara par les sbires du Régime (la Securitate). Ce pasteur critique régulièrement le régime dans ses prêches et le régime veut le déporter dans une autre ville.
La foule va prendre la défense du pasteur, protester contre le déplacement de ce dernier. Il va s’en suivre des émeutes qui vont se transformer en insurrection. La ville est en état de siège. L’armée ouvre le feu. Alors que le dictateur est en voyage à l’étranger, son épouse à qui il a confié le pouvoir avant de partir donne l’ordre de transporter 40 cadavres de manifestants tués dans un camion afin de les incinérer secrètement. Alors que l’armée avait déjà pris le contrôle de la ville, des sections d’ouvriers communistes envoyés pour seconder l’armée, se rebellent. Des usines se mettent en grève par solidarité avec les protestataires. Le 19 décembre, des flots d’ouvriers manifestent en ville.
Les soldats décident d’arrêter la répression et fraterniser avec les manifestants. La contestation gagne la capitale Bucarest. Pour montrer qu’il demeure populaire, Ceausescu organise un rassemblement de masse à son retour d’un voyage officiel en Iran pour se faire acclamer mais contre toute attente, il est hué par la foule et doit se retirer.
Des chars prennent position dans la ville en ébullition et les blindés ouvrent le feu. Le lendemain, la foule attaque et investit le siège du parti communiste. Le couple présidentiel est obligé prendre la fuite en hélicoptère après avoir menacé le pilote qu’ils prennent en otage avec une arme à feu. En manque de carburant, l’hélicoptère est contraint de se poser dans la campagne à proximité d’une ferme. Le couple présidentiel se réfugie dans la ferme mais ils sont repérés par la population. La population en furie se lance à leur poursuite ; les Ceausescu vont détaler pour aller se cacher dans une école. Ils auront la vie sauve grâce à une voiture de police qui s’est rendue sur place.
Les Ceausescu sont arrêtés dans l’après-midi du 22 décembre par des militaires ralliés à la cause du changement et sont transférés sur une base militaire. La nouvelle de leur arrestation va se répandre comme une trainée de poudre.
Le 25 décembre, un tribunal improvisé va juger le couple infernal dans la base militaire où ils sont détenus. L’audience est secrète mais filmée (on peut voir des extraits de cette audience sur internet). Le couple est accusé, notamment, des « massacres », « génocide » de Timisoara. Hagard et déboussolé, Ceausescu ne comprend pas ce qui lui arrive tandis que son épouse ne peut s’empêcher d’insulter les juges.
La sentence tombera raide comme un couperet : le couple est condamné à mort. Ils seront exécutés immédiatement à l’extérieur de la salle. Les images des corps du couple seront diffusées le soir même sur les télévisions du monde.
Avec du recul, il faut nuancer cette « révolution ». Plusieurs spécialistes y voient, un coup d’État planifié par Moscou pour en finir avec Ceausescu et instaurer un régime plus docile et servile à Moscou. Notons que c’était la première révolution filmée de l’histoire. On a assisté à de grosses manipulations de la part des médias, les nombres de morts annoncés étaient gonflés et les charniers montrés étaient faux, inexistant. A titre d’exemple, les Ceausescu sont condamnés à mort pour génocide ; on les accuse d’avoir ordonné la mort de 60 mille roumains. Les vrais chiffres ont révélé qu’il n’y avait pas eu en réalité plus de 1 200 morts.
Arol KETCH – 24.09.2021
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