La prise d’otages de Loyada et l’indépendance de Djibouti

Voici comment une prise d’otages a poussé la France à capituler. Voici comment une prise d’otages sanglante a accéléré l’indépendance d’un pays croupissant encore sous le joug colonial .Nous sommes en 1976, la majorité des pays africains sont indépendants ; cependant, il y a encore quelques pays sous domination coloniale et parmi ces pays-là, le Territoire Français des Afars et des Issas qui deviendra Djibouti. Dans ce pays, plusieurs mouvements indépendantistes sont constitués pour réclamer l’indépendance ; mais, ce pays est stratégique pour les intérêts de la France dans la sous-région. Elle souhaite le garder sous sa domination. Djibouti c’est le lieu officiel d’escale des avions d’air France qui souhaitent rejoindre l’île de la réunion.

Dans un contexte de guerre froide, c’est une zone tampon entre l’Ethiopie soutenu par le bloc de l’Ouest et la somalie soutenue pat le bloc de l’Est. Par sa position géographique, Djibouti offre un droit de contrôle et de regard sur le golfe d’Aden là où transite une grande partie du trafic maritime mondial. Les indépendantistes quant à eux comptent arracher leur autonomie par tous les moyens, ils contestent la présence française sur leur territoire. Ils sont à l’origine de plusieurs attentats civils et militaires. Le mardi 03 février 1976 au matin, un bus de ramassage scolaire récupère en différents points de la ville, les enfants des militaires français en poste à Djibouti. Dans le bus, se trouvent 31 écoliers. Le bus est détourné par les indépendantistes du Front de libération de la côte des Somalis. Sous la menace de leurs armes, ils obligent le jeune chauffeur à forcer les barrages qui ceinture la ville de Djibouti pour quitter la ville et gagner Loyada, poste-frontière avec la Somalie. Une fois à cette frontière, les 4 premiers ravisseurs sont remplacés par d’autres qui prennent le contrôle du bus. Les revendications des indépendantistes sont claires : le départ des 6000 ressortissants français de Djibouti, l’indépendance du Territoire des Afars et des Issas (une colonie française entre 1967 et 1977) ainsi que la libération de prisonniers politiques.

Notons que devant cette situation désastreuse, une assistante sociale française courageuse Jehanne Bru va décider volontairement de rejoindre le bus tenu par les indépendantistes pour apporter du réconfort aux enfants. Le Président de la République Valéry Giscard d’Estaing est informé et pour lui, il n’est pas question d’accéder aux revendications des preneurs d’otages qu’il juge irréalistes et fantasmagoriques. Il décide d’envoyer sur place une unité spéciale jusqu’ici inconnu : le Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale, « le G.I.G.N » (créé après la prise d’otages des JO de Munich). À la tête de ce commando, un jeune lieutenant aux méthodes novatrices au nom de Christian Prouteau. Le G.I.G.N est épaulé sur place par les légionnaires du 2ème REP (régiment étranger de parachutistes). Après 36 heures de négociation infructueuses et d’angoisse, le G.I.G.N décide de lancer l’assaut. Ce sera une véritable mission de guerre car ayant flairé l’imminence de l’assaut, des renforts indépendantistes vont se masser de l’autre côté de la frontière, prêts à intervenir.

Le G.I.G.N utilise pour la première fois le « tir simultané ». Cinq coups de feu synchronisés, une seule détonation pour abattre en un seul instant tous les preneurs d’otages. Il est question de neutraliser tous les preneurs d’otages. Les tireurs d’élite du GIGN ouvrent le feu et tuent cinq preneurs d’otages. Le G.I.G.N va dans la foulée abattre plusieurs autres ravisseurs. Depuis la frontière, les renforts indépendantistes tirent en rafale sur les gendarmes du G.I.G.N et sur les légionnaires qui se précipitent vers le bus.Un indépendantiste parti du poste-frontière somalien, va déjouer l’attention du G.I.G.N et des légionnaires ; il va réussir à se faufiler à l’intérieur du bus et va s’emparer d’un enfant. Cet indépendantiste suicidaire sera abattu par les membres du G.I.G.N, mais dans un dernier sursaut d’orgueil, il va dans sa chute fatale vider le chargeur de son arme blessant au passage plusieurs enfants, dont une mourra [Valérie Geissbuhler qui décède après avoir été transférée et opérée à l’hôpital du Val-de-Grâce à Paris].Un autre indépendantiste parti du poste-frontière va longer les abords du bus et lâcher minutieusement des rafales de balles qui vont atteindre fatalement la petite Nadine Durand et blessé gravement le chauffeur du bus et plusieurs enfants. L’assaut lancé à 15h45 se termine à 16h06.Les indépendantistes vont réussir à kidnapper un écolier et l’emmèneront comme otage en Somalie voisine. Une prise d’otages qui permet aux terroristes de faire à nouveau entendre leurs revendications.

Mais l’enfant est finalement libéré le 7 février. Le petit Franck Rutkovsky sera libéré quelques jours plus tard après de longues négociations et tractations diplomatiques. Même s’ils ont réussi à sauver 29 enfants (2 morts) et ont assassiné les preneurs d’otages, la victoire a un goût amer pour les troupes françaises. Plusieurs blessés resteront handicapés à vie, l’un des enfants se suicidera des années plus tard.Cette prise d’otages tragique de Loyada a mis en lumière la difficulté de maintenir cette ultime colonie en place. L’indépendance de Djibouti est officiellement proclamée le 27 juin 1977, un an après la prise d’otages.

Arol KETCH – 14.09.2021

Opep de l’Histoire

Fourmi Magnan égarée

Arol KETCH - Rat des archives

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