Le massacre de Kanungu – Dérives meurtrières d’une secte
C’est certainement l’histoire du plus grand massacre de masse qu’une église a connu en Afrique. Une histoire macabre, horrible, crapuleuse. Quand l’aveuglement des sectes conduit au pire. De nombreux mouvements religieux avaient fait des prédictions apocalyptiques annonçant la fin du monde pour l’an 2000. La plupart de ces mouvements se basaient sur les écrits bibliques ; notamment l’apocalypse qui évoque la grande tribulation, le jugement dernier et la seconde venue du Christ.Le Mouvement pour la restauration des dix commandements de Dieu en Ouganda fait partie de ces mouvements religieux qui avaient prédit l’apocalypse pour l’an 2000. Ce Mouvement religieux fondé dans les années 80 par 5 leaders (Credonia Mwerinde, Joseph Kibwetere, Joseph Kasapurari, John Kamagara, et Dominic Kataribabo) est une secte dissidente de l’Eglise catholique.
En janvier 1987, Credonia Mwerinde dit avoir eu la première apparition de « Ishayuuriro rya Maria », la vierge Marie qui aurait souligné l’importance de réinstaurer au pied de la lettre les dix commandements.Le mouvement avait une interprétation particulière et extrémiste des 10 commandements. Tous les adhérents étaient tenus de vendre tous leurs biens et de mettre l’argent engrangé au service de la communauté. Les pratiques observées au sein du mouvement étaient très rigoureuses : jeûnes fréquents, abstinence, séances de prières intensives, abandon de produits chimiques (comprimés, savons par exemple) etc. Malgré cela, ce mouvement séduit notamment grâce à la perspicacité et aux talents de pêcheurs de ses leaders. Le mouvement s’est peu à peu mué en communauté. Il avait des terres achetées grâce à l’argent des fidèles, il disposait aussi de nombreuses plantations, de nombreuses écoles et maisons avaient été construites. Tout ceci contribua a attiré de nombreux fidèles à qui on fit la promesse d’offrir des maisons. A la fin des années 90, le mouvement avait près de 6000 adeptes.Ce mouvement avait recours à des pratiques illégales ; il kidnappait les enfants qu’ils assujettissaient au travail forcé. On note aussi des cas de violence, d’humiliation et d’abus sexuels.Peu à peu, le mouvement va axer son enseignement sur l’éminence de l’apocalypse et la fin du monde.
Les leaders du groupe vont réussir à convaincre les fidèles que la fin du monde aura lieu le 1er janvier 2000. Le mouvement se positionne alors comme étant la seule issue pour sauver les justes. A l’approche de l’an 2000, le mouvement et ses leaders entrent dans les préparatifs de la fin du monde. Ils demandent à leurs fidèles de confesser leurs péchés, de vendre tous leurs biens et de remettre l’argent au mouvement pour espérer avoir le salut. A la veille du 1er Janvier 2000, une grande veillée de prières est organisée pour attendre l’apocalypse en prière. Cependant, le 1 er janvier 2000, il ne se passa rien du tout. Pas de fin du monde. Les fidèles commencent alors à douter et à se rebeller. Ils réclament le remboursement de l’argent qu’ils ont donné au mouvement après avoir vendu tous leurs biens. Car étant donné qu’il n’y a pas eu de fin du monde, ils ont besoin d’argent pour vivre.
Dos au mur, les leaders du mouvement vont dans l’optique de sauver leur peau et leur image annoncer avoir eu de nouvelles révélations divines selon lesquelles la date de la fin du monde aurait été reportée afin de permettre au maximum d’humains de donner leurs vies à Christ et de se racheter. Le mouvement annonce que la vraie fin du monde aura lieu le 17 mars 2000.A l’approche de l’heure fatidique de la nouvelle fin du monde, le mouvement organise une grande fête au cours de laquelle des bœufs sont rôtis et des boissons non alcoolisées consommées.
Le 17 mars, jour prévu pour la véritable fin du monde, une grande veillée de prières est organisée et près de 600 fidèles sont présents. Toutes les portes, fenêtres et issues de sortie sont condamnées. Puis soudain, retentit une violente explosion. Les fidèles sont convaincus que cette fois ci, c’est bien la fin du monde. Un violent incendie va se déclarer et ravager le bâtiment avec tous les fidèles à l’intérieur. Près de 550 fidèles vont périr dans les flammes parmi lesquels près d’une centaine d’enfants. L’incendie a été provoquée par un mélange détonant d’essence et d’acide sulfurique, réparti dans des jerrycans de plastique alignés le long des murs autour du lieu de culte. Impossible de fuir : fenêtres et portes avaient été obturées de l’extérieur par des planches clouées aux murs.On va alors émettre la thèse d’un suicide collectif. Quelques jours après le drame, la police ougandaise va faire des découvertes qui vont battre en brèche la thèse du suicide collectif. La police va découvrir des centaines d’autres corps dans des propriétés appartenant à la secte dans le pays (155 corps à Rugazi, 154 corps à Buhunage, 81 corps dans une ferme d’un leader de la secte, 55 corps à Kampala). Les examens médico-légaux vont révéler que ces victimes sont mortes empoisonnées et poignardées. Aussi, celles-ci ont été tuées plusieurs semaines avant l’incendie apocalyptique du 17 mars. Et les fidèles qui ont péri dans les flammes de l’église avaient été empoisonnés avant que le bâtiment ne s’embrase. En effet, du poison avait été mis dans les boissons non alcoolisées qu’ils avaient ingurgitées durant la grande fête avant la veillée de prières.
On va dénombrer en tout près 800 cadavres. En dehors des victimes de l’incendie, la majorité des victimes ont été empoisonnées ou assassinées à l’arme blanche. Il ne s’agit pas d’un suicide collectif. En réalité, tout avait été planifié par les leaders de la secte. Etant convaincus qu’ils s’étaient trompés sur leur prédiction de la fin du monde, ayant pris l’argent et tous les biens de leurs fidèles qu’ils n’étaient plus à même de rembourser, les dirigeants de la secte ont tout simplement eu l’idée macabre d’organiser minutieusement l’apocalypse qui tardait à arriver. Ils ont payé des hommes de main pour les aider à réaliser la sale besogne : Mettre le feu à l’église, empoisonner et assassiner brutalement les fidèles (coups de couteaux, de machettes, de haches etc.). Les gourous ont organisé méticuleusement ce massacre de grande échelle grâce à une garde prétorienne chargée d’abattre les fidèles et de les enterrer dans des fosses communes.
Officiellement, les corps des leaders n’ont pas été reconnus parmi les cadavres. Il faut aussi reconnaitre qu’il aurait été difficile de les reconnaitre parmi les centaines de corps carbonisés. Toujours est-il que le gouvernement ougandais les soupçonne d’être encore en vie. Un mandat d’arrêt international a été délivré en l’encontre Joseph Kibwetere, Credonia Mwerinde et de quatre autres dirigeants de la secte. Une forte récompense a même été promis à toute personne qui aidera à capturer ces gourous diaboliques. Jusqu’à ce jour, on ne sait pas ce que sont devenus les leaders de la secte. Sont-ils morts carbonisés ? Ont-ils pris la fuite pour un pays étranger avec tout l’argent qu’ils avaient accumulé ? (Surtout que des enquêtes vont révéler qu’ils avaient gardé de l’argent à l’étranger et étaient en contact avec des gourous de plusieurs sectes millénaristes à l’étranger). Ils sont peut-être passés au Congo voisin, selon des témoins qui affirment les avoir aperçus sur la route vers le Congo, la veille du massacre de Kanungu.La personnalité des deux principaux gourous interroge néanmoins.
Joseph Kibwetere est un ancien fonctionnaire et homme d’affaires, soutien et ardent défenseur du dictateur Idi Amin Dada. Credonia Mwerinde est une ancienne prostituée sulfureuse.Mais comment est-ce qu’un tel massacre a-t-il pu se produire ? En réalité la secte bénéficiait de soutiens puissants dans les arcanes du pouvoir ; c’est pour cela qu’ils n’ont jamais été inquiétés malgré les accusations graves qui pesaient sur eux : violences, travail des enfants, humiliations, tortures, interdiction de rapports sexuels, interdiction de consommer les comprimés (seule la prière sauve) etc. Les leaders de la secte avaient corrompu les autorités locales et même les policiers locaux faisaient partie de la secte. Le 20 septembre 1994, c’est le président ougandais en personne, Yoweri Museveni, qui recevait la secte dans son habitation privée de Rwakitura.
Arol KETCH – 03.08.2021
Fourmi Magnan égarée
Rat des archives