La trahison dans l’Histoire africaine ( Partie 1)
Ils sont nombreux ces grands hommes qui ont été trahis par leurs proches ; à cause de l’ivresse du pouvoir, ceux-ci n’ont pas hésité à planter le couteau dans le dos de leurs meilleurs amis.
✓ Mamadou Dia et Léopold Sédar Senghor
Figure marquante de l’Histoire du Sénégal, Mamadou DIA est partisan d’une rupture avec la France et de la fin de l’économie arachidière. Secrétaire du Bloc démocratique sénégalais qu’il a fondé avec Senghor en 1948, il était très proche de celui-ci. Il forme alors avec Senghor un duo complémentaire dans la gestion du pays : au président les affaires internationales et à lui le développement économique. C’est en réalité Mamadou DIA qui dirigeait le Sénégal en ces premières années d’indépendance du Sénégal. Désigné vice-président du Conseil de gouvernement du Sénégal en 1957, il en assume la présidence entre 1958 et 1959, avant d’être nommé à la tête du Conseil des ministres en avril 1959. Mamadou Dia conserve cette fonction lorsque le Sénégal accède à l’indépendance en juin 1960.
Devant ce qu’on a abusivement appelé « tentative de coup d’Etat », Mamadou DIA est arrêté et sera traduit devant la haute Cour de justice où il sera condamné à la prison à perpétuité.
En réalité, c’est Senghor qui a trahi Mamadou Dia pour préserver les intérêts français. Dia avait tenté de rompre les liens avec l’ancienne colonie, provoquant l’inquiétude de Paris. Une motion de censure, au vote de laquelle il tente de s’opposer, le désavoue.
Traduit devant la Haute cour de justice du Sénégal en mai 1963, il est condamné à la prison à perpétuité et incarcéré dans des conditions très dures à la forteresse de Kedougou. Il y perdra même la vue en partie.
A la proposition de son ex-ami intime le Président Senghor de le libérer s’il renonçait à la politique, Dia a répondu : » Je préfère vivre libre en prison plutôt que d’être prisonnier dehors ».
✓ Patrice Lumumba et Mobutu
Patrice Emery Lumumba fut le premier Premier ministre du Congo (actuelle RDC) de juin à septembre 1960. On ne le souligne pas assez mais c’est Lumumba qui a pris Mobutu sous son aile et l’a aidé à occuper des postes importants. Lumumba rencontre Mobutu en 1957 ; c’est Lumumba qui permet à Mobutu d’assister la table ronde à Bruxelles. En juillet 1960, Lumumba nomme Mobutu secrétaire d’État de son gouvernement. C’est encore Lumumba qui constatant que Mobutu a une petite expérience militaire, va lui permettre d’évoluer très rapidement dans la hiérarchie militaire et devenir chef-d’ Etat Major. Profitant de ce poste clé, l’ingrat a fait arrêter et assigner à résidence Lumumba en 1960
Un coup d’Etat soutenu par la CIA et la Belgique place Joseph Mobutu à la tête du Congo. Mobutu va livrer Lumumba l’homme qui lui a tout donné à son pire ennemi Tshombé pour que ce dernier effectue la sale besogne. Le 17 janvier 1961 Patrice Lumumba, Maurice Mpolo et Joseph Okito sont conduits par avion à Élisabethville au Katanga et livrés aux autorités locales. Pendant le vol, lui et ses deux partisans furent battus si brutalement que le pilote se plaignit du fait que l’avion risquait de s’écraser.
Ils seront fusillés le soir même par des soldats sous le commandement d’un officier belge. Lumumba a donc été assassiné avec la complicité d’un consortium Américano-Belge (CIA et services secrets Belges) et avec le soutien français pour être remplacé par un dictateur « made in Occident » plus favorable aux intérêts occidentaux : le vassal Mobutu.
En 1966, Mobutu qui avait livré Lumumba à Tshombé le proclame héros national : « Gloire et honneur à cet illustre congolais, à ce grand africain ; premier martyr de notre indépendance économique, Patrice Emery Lumumba ! Parce qu’il avait vu clair, parce qu’il avait compris que l’indépendance politique ne vaut rien du tout si elle ne repose pas sur une véritable indépendance économique ».
✓ Bokassa et David Dacko
David Dacko est le premier chef de l’État centrafricain. Lorsqu’il accède au pouvoir, Dacko a besoin de confier la gestion de l’armée de son pays à quelqu’un de confiance. Il fait appel aux services de son cousin Jean-Bedel Bokassa pour réorganiser l’armée du pays. Il le nomme colonel, conseiller militaire, puis chef d’état-major en 1964. A la faveur de ce qu’on appelle le « coup d’État de la Saint-Sylvestre », Bokassa va renverser son cousin qui lui a permis de se hisser au sommet de l’armée Centrafricaine et prendre le pouvoir le soir du 31 décembre 1965.
L’intervention d’un contingent français, le 20 septembre 1979, par l’entremise de l’« opération Barracuda», mit fin au règne de Bokassa, alors que celui-ci était en visite en Libye. La France renverse Bokassa pour remettre à la tête du pays son cousin David Dacko qu’il avait renversé 14 ans plus tôt.
✓ Sekou Touré et Keïta Fodéba
Le propre de la dictature est qu’elle réussit à transformer les intellectuels les plus brillants en de petits exécutants des œuvres macabres. Fodéba Keïta est un écrivain, danseur, dramaturge, compositeur et homme politique guinéen. Le Guinéen Keïta Fodéba fut un homme d’une grande créativité artistique. Cependant, il a décidé de mettre son génie au service de la dictature de Sékou Touré.
Il rejoint Sékou Touré en 1956. En 1961, il est nommé ministre de la Défense nationale et de la Sécurité, chargé de découvrir et de réprimer les complots (véritables ou supposés) dont Sékou Touré pourrait être victime. C’est ainsi qu’il va œuvrer pour l’injustice et exécuter de nombreux guinéens.
Devenu parano, Sékou Touré va trahir son fidèle ami et réclamer sa tête. En 1969, Keita Fodeba qui était chargé de réprimer les complots est accusé lui-même de complot. Il est arrêté et incarcéré au camp Boiro, qu’il avait lui-même contribué à créer.
Soumis à la « diète noire » (privation d’eau et de nourriture), le co-auteur de l’hymne national de la Guinée, est fusillé le 27 mai 1969.
Sentant sa fin proche, il écrivit alors sur les murs de sa cellule du camp Boiro : « J’étais chargé d’arrêter tous ceux qui étaient susceptibles d’exprimer la volonté du peuple ….J’ai toujours œuvré pour l’injustice. J’ai toujours servi cette cause injuste. Pour servir cette cause injuste, j’avais inventé des complots afin de pouvoir faire liquider tous ceux qui étaient susceptibles d’exprimer la volonté du peuple de la Guinée martyre. »
La liste n’est pas exhaustive, complétez la.
Arol KETCH – 28.07.2020
Opep de l’Histoire