Le racisme subi par Battling Siki en France et aux Etats-Unis


Né le 16 septembre 1897 à Saint-Louis, Battling Siki fut le premier africain à devenir champion du monde. Siki n’échappera pas au racisme tout au long de sa carrière.
En France où il vit, certains journaux l’appellent le « championzé » par référence au chimpanzé ou de façon beaucoup plus explicite le « gorille des rings » ou encore « l’enfant de la jungle », «l’enfant sauvage ». Le Journal l’intransigeant titre même « Siki donnerait la moitié de ses victoires pour devenir blanc ». Son propre manager n’est pas en reste puisqu’il déclare dans la presse que « Siki a du singe en lui ».
Dans la transcription de certaines interviews, on lui fait parler un français approximatif, « petit nègre » (comme on dit à cette époque) alors qu’il parle et écrit un français parfait. Battling Siki répond à ces attaques en disant : « beaucoup de journalistes ont écrit que j’avais un style issu de la jungle, que j’étais un chimpanzé à qui on avait appris à porter des gants. Ce genre de commentaires me fait mal. J’ai toujours vécu dans de grandes villes. Je n’ai jamais vu la jungle ».
Son combat contre Georges Carpentier restera dans les annales de l’histoire de la boxe. Peu avant le combat, on ne vendait pas cher la peau de Battling Siki. Paris Match écrit : « Le problème est de savoir si un Blanc vaut deux Noirs – comme pour les notes de musique… ». Siki va terrasser Carpentier mais celui-ci accuse Siki de lui avoir fait un croc-en-jambe. L’arbitre consulte les autres juges et annoncent que Siki est disqualifié. Georges Carpentier est déclaré vainqueur. C’est alors que se produit un évènement inédit dans l’Histoire de la boxe. Les cinquante mille spectateurs du stade Buffalo se mettent à scander : « Siki vainqueur ! Siki vainqueur ! ». Les juges se réunissent en conciliabule pendant une quinzaine de minutes, puis l’arbitre s’approche de Siki, l’amène au centre du ring et lui lève le bras en signe de victoire sous les acclamations du public ! Battling Siki devient champion de France, d’Europe et du monde en même temps.
Quelques semaines après sa victoire contre Carpentier, sans combattre, Siki est déchu de ses titres et de tout son palmarès. On lui retire sa licence sous le prétexte honteux et raciste de « mauvaise conduite, croc-en jambe, rébellion ».
« Il y a quelque chose de beaucoup plus grave que le trucage d’une épreuve sportive. Il y a là un symptôme caractéristique de la campagne organisée contre les hommes de couleur, il y a là, le symbole même du colonialisme. Carpentier, sorte de drapeau national […], ne pouvait pas sans danger être battu par un Nègre. S’il était battu, il fallait châtier le Nègre. On n’y a pas manqué. » Constatera Paul Vaillant-Couturier, dans L’Humanité.
Battling Siki a longtemps été ostracisé par la fédération française de boxe qui a essayé de trouver tous les moyens pour le déchoir de ses titres parce qu’il était noir.


Constatant qu’il n’avait pas d’avenir en France, Battling Siki s’envole pour les Etats-Unis où la presse l’attaque encore plus violemment. Cependant, Battling Siki ne se démonte pas et rend coup pour coup : « Vous avez une statue à New York et vous l’appelez Liberté. Mais c’est un mensonge. Il n’y a pas de liberté ici – il n’y en a pas ! Aucune ! En tout cas pas pour moi » déclare-t-il publiquement en 1923. Provoquant les autorités, il se promène en cape noire sur Broadway, un singe sur l’épaule, comme à Paris il se baladait, deux ans plus tôt, en tenant en laisse des lionceaux.
Le 15 décembre 1925, le corps sans vie d’un colosse noir est retrouvé au pied d’un immeuble de la 41e rue, dans le quartier de Hell’s Kitchen à New York. Ce jeune homme a été abattu de deux balles dans le dos, tirées de près. Il n’a que 28 ans. Le colosse noir dont le corps git au sol n’est autre que M’Barick Fall alias Battling Siki.
Dans les années vingt et trente, Ho Chi Minh, Paul Vaillant Couturier, Hemingway et Henry Miller ont écrit sur lui, exaltant ses prouesses. Fernandez Mell, lieutenant de Che Guevara lui a rendu hommage en prenant « Battling Siki » pour nom de guerre, dans la clandestinité.
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Arol KETCH – 28.05.2020
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